Dans leur quête de profit et de durabilité, les régimes de retraite canadiens sont devenus parmi les plus importants et les plus influents au monde.
Ces deux dernières années, les régimes de retraite canadiens et leurs investissements ont récolté une attention accrue, que ce soit pour l’achat d’infrastructures (comme l’autoroute à péage 407 en Ontario), de résidences de soins de longue durée à but lucratif (dont Revera et Chartwell), de sociétés de surveillance américaines (Palantir) ou de prisons privées (CoreCivic et Geo Group). Certains des investissements visant à augmenter les profits des régimes de retrait ont abasourdi les Canadiens, menant de nombreux membres à nous demander : pourquoi nos régimes de retraite investissent-ils dans ce genre d’actifs?
L’époque où les régimes de retraite au Canada ne participaient pas à ce genre d’investissements n’est pas si lointaine. Avant les années 1990, les régimes de retraite publics étaient soumis à des restrictions réglementaires qui limitaient leurs investissements. Ils ne détenaient que des obligations d’État à faible risque et les placements passifs dominaient.
Au début des années 1990, des régimes comme le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (RREO) et l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada (OIRPC) ont pu investir dans des actifs autres que les titres d’État, comme l’immobilier, le capital-investissement, les instruments dérivés et même les Maple Leafs de Toronto. (Eh oui, l’OIRPC a été propriétaire de cette franchise.)
Avant les années 1990, les fonds de pension qui bénéficiait d’une aide fiscale ne pouvaient pas non plus détenir plus de 10 % de leurs actifs dans des « biens étrangers ». Cette restriction a été supprimée en 2005, permettant à ces fonds d’investir dans n’importe quoi, ce qui a mené les régimes de retraite canadiens à devenir parmi les plus importants et les plus influents au monde
(l’OIRPC occupe actuellement le 9e rang mondial pour le total de ses actifs, la Caisse de dépôt et placement du Québec le suit de près au 13e rang et Investissements PSP se classe au 28e rang). Tout cela s’est produit dans un contexte financier où les taux d’intérêt dégringolaient.
Les régimes de retraite veulent des rendements maximaux et des placements à long terme qui peuvent fournir des revenus durables. En raison de la faiblesse des taux d’intérêt, les actifs les plus sûrs (comme les obligations AAA à faible risque) ne rapportent plus autant d’argent qu’auparavant. Il devient donc plus difficile, pour les régimes de retraite, d’atteindre leurs objectifs de rendement sans prendre beaucoup plus de risques. Un nouveau sondage récent des Services aux investisseurs et de trésorerie de la RBC a récemment révélé que la faiblesse des taux d’intérêt demeure le principal défi pour les administrateurs de régimes de retraite à prestations déterminées.
Même si les placements à revenu fixe et les obligations de première qualité continuent de faire partie des portefeuilles des régimes de retraite, ceux-ci ont adopté des stratégies d’investissement actives pour obtenir des rendements plus élevés dans les actions et les placements à long terme comme l’immobilier (surtout commercial), les infrastructures (électricité, eau, routes, énergie, etc.) et le capital-investissement
(comme l’achat du Retirement Residences Real Estate Investment Trust, désormais Revera, en 2006 par Investissements PSP). Ces régimes participent souvent à des stratégies d’investissement quantitatives qui éliminent les décisions humaines de l’équation, en utilisant plutôt des algorithmes pour déterminer les investissements à meilleurs rendements.
Cette chasse aux rendements plus élevés peut entraîner les régimes de retraite sur un terrain éthiquement douteux. Dans le cas des stratégies d’investissement quantitatives, ils peuvent même ne pas savoir qu’ils ont acheté, détenu ou vendu. Dans le cas des infrastructures privatisées, les régimes de retraite réalisent des profits à partir de services publics de base comme l’eau, les transports en commun et les services essentiels comme les hôpitaux. Ces investissements, et bien d’autres du même type, soulèvent des questions éthiques auxquelles certains régimes de retraite tentent de répondre à l’aide des principes d’investissement environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), mais la recherche de meilleurs rendements continuera d’être un moteur pour ces régimes de retraite financiarisés, surtout dans un contexte où les régimes de retraite à prestations déterminées, et les fonds qui leur permettent de fonctionner, sont de plus en plus rares et considérés comme une dépense inutile par les employeurs.