Les groupes d’aînés revendiquent de nouvelles normes nationales et une stratégie exhaustive pour les aînés dotée d’un engagement à travailler sur les soins aux personnes âgées. Photo : Cpl. Genevieve Beaulieu
Lorsque la pandémie a frappé les aînés vulnérables vivant dans des foyers de soins de longue durée avec des conséquences particulièrement tragiques, Gloria McKibbin a estimé qu’il était temps d’agir.
Forte d’une riche expérience dans le domaine des soins de santé, cette épouse survivante d’un retraité fédéral s'est impliquée dans l’Association nationale des retraités fédéraux comme agente de programme de défense des intérêts pour les sections de l’Ontario.
« Lorsque j’ai vu les ravages dans les foyers de soins de longue durée, j’ai voulu m’impliquer de nouveau », dit cette aînée du sud de l’Ontario qui, par coïncidence, est devenue la principale aidante naturelle de sa mère à peu près au même moment.
Les revendications de Retraités fédéraux sur de nouvelles normes nationales pour les soins de longue durée et les soins à domicile se font entendre de plus en plus fort, à la perspective d’une prochaine élection fédérale. Et Retraités fédéraux ne prêche pas dans le désert. Des appels similaires ont été lancés par le Conseil des Canadiens, le National Institute on Ageing, la Coalition canadienne de la santé ainsi que l’Association canadienne des soins de longue durée. Des aspects ont même été repris par certains politiciens fédéraux et le gouvernement actuel.
Retraités fédéraux demande au gouvernement fédéral de mettre en oeuvre une stratégie nationale exhaustive pour les aînés comprenant une approche nationale coordonnée et réclamant que tous les gouvernements collaborent à une réforme des soins aux aînés et à la mise en oeuvre de normes nationales pour les soins à long terme et les soins à domicile.
Selon Anthony Pizzino, directeur général de l’Association, la pandémie a mis à nu les réalités brutales des lacunes du système, entraînant la mort d’un grand nombre d’aînés dans les foyers du pays et renforçant les appels sur les systèmes de soins à long terme et à domicile du pays. Il signale des incohérences dans tout le pays, dans les foyers privés et publics, ainsi que des déficiences révélant des problèmes très graves dans les soins de longue durée.
« Les conditions qui existent dans les foyers et les soins, ou l’absence de soins dans certains foyers » révèlent certaines des lacunes et des incohérences, dit M. Pizzino. « C’est vraiment pour cela que nous demandons non seulement une stratégie nationale sur les soins de longue durée, mais aussi qu’elle soit exécutoire. Il faut des normes minimales et un mécanisme pour les faire respecter. »
M. Pizzino croit que l’absence de normes exécutoires entraîne un manque d’uniformité dans les soins.
Un examen national des soins de longue durée, axé sur la mise en oeuvre d’un cadre national garantissant un financement approprié, lié à des critères et à des normes de soins nationaux, s'impose.
Une nouvelle approche
Une stratégie nationale de planification du personnel de santé serait établie pour garantir que les bons travailleurs de la santé se trouvent au bon endroit et au bon moment. Elle permettrait aussi de reconnaître et de soutenir les aidants naturels, des partenaires essentiels dans la prestation des soins. L’examen doit être public, indépendant, fondé sur des preuves et tenir compte de l’opinion des aînés, des aidants naturels et des experts.
Certains suggèrent que la nouvelle approche s’inspire du système d’assurance-maladie du Canada. Lors de la création de ce dernier, seuls les soins médicaux et hospitaliers étaient inclus, explique Samir Sinha, directeur du service de gériatrie à l’Hôpital Mount Sinai de Toronto et des hôpitaux du University Health Network à Toronto. Les soins de longue durée sont devenus un « domaine orphelin », grandement sous-financé. Alors que d’autres pays ont inclus l’assurance-médicaments et le soutien aux soins de longue durée dans leurs programmes universels de soins de santé, le Canada ne l’a pas fait.
Le résultat? Selon M. Sinha, également directeur de la recherche sur les politiques de santé au National Institute on Ageing et membre du comité technique chargé d’élaborer la nouvelle norme nationale sur les services de soins de longue durée, les codes postaux deviennent des loteries, certains endroits étant beaucoup mieux organisés que d’autres.
« Nous dépensons actuellement entre 22 et 24 milliards de dollars pour fournir des soins de longue durée. Les provinces et territoires doivent déterminer comment fournir des services de soins de longue durée. Tout varie : les niveaux de financement, les niveaux de couverture, l’organisation, la terminologie. Les hôpitaux se ressemblent d’une province à l’autre, mais les soins de longue durée sont très différents, non seulement entre les provinces et les territoires, mais même au sein d’une même province ou d’un même territoire », précise-t-il.
Le Canada consacre 1,2 % de son PIB aux soins de longue durée, contre 1,7 % pour la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ajoute-t-il. Et le Canada tend à dépenser la majeure partie de cet argent, soit 87 %, à garder de nombreux aînés dans des foyers, plutôt que chez eux. En moyenne, un pays de l’OCDE consacre les deux tiers de ses dépenses aux soins en foyer.
Plus de 430 000 Canadiens ont des besoins non satisfaits en matière de soins à domicile et 40 000 autres, voire plus, sont inscrits sur des listes d’attente, et un grand nombre languit à l’hôpital. Par conséquent, environ 15 % des lits d’hôpitaux sont occupés par des aînés « pris en otage », en raison du manque de places dans les foyers ou d’aide à domicile.
Et les Instituts canadiens d’information sur la santé ont rapporté l’automne dernier qu’une personne sur 12 qui aboutit dans un foyer de soins pourrait être soutenue dans la communauté.
Selon M. Sinha, ce qui manque au coeur de ce système hautement rigide, c’est un rôle défini pour le gouvernement fédéral, comme pour l’assurance-maladie avec la Loi canadienne sur la santé.
Depuis les ravages de la pandémie chez nos aînés, le gouvernement libéral discute de la mise en oeuvre de normes de soins de longue durée nationales, confirmée dans le discours du Trône de l’automne dernier et suivi de lettres de mandat aux ministres des Aînés et de la Santé.
Alors que la première vague de la pandémie battait son plein, cinq députés libéraux ont demandé au gouvernement de mettre en oeuvre des normes nationales exécutoires visant les foyers de soins de longue durée du Canada. Et, plus tôt cette année, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a déclaré que les foyers de soins de longue durée à but lucratif devraient être éliminés progressivement, demandant au gouvernement de les transformer en foyers sans but lucratif. Cette déclaration faisait suite à son soutien antérieur à une stratégie nationale qui comprendrait les mêmes principes que la Loi canadienne sur la santé.
Plus tôt cette année, le chef conservateur Erin O’Toole a rejeté l’idée d’imposer des normes nationales aux foyers de soins de longue durée. Au lieu d’une approche du sommet à la base, il a suggéré un partenariat avec les provinces, qui assurent la prestation des soins de santé et des soins de longue durée.
Définir le rôle fédéral
Steven Staples, directeur national des politiques et de la défense des intérêts de la Coalition canadienne de la santé, souhaite que le gouvernement ne se contente pas d’un accord avec les provinces, mais que tout soit codifié par une loi, liant le financement à des normes minimales.
« On en a fait bien peu sur ce dossier, malgré le fait qu’il a été discuté à l’origine l’été dernier et qu’il soit devenu une politique ou un engagement du gouvernement dans le discours du Trône d’octobre dernier, et qu’il a également été inclus dans la lettre de mandat supplémentaire qui a été publiée en janvier », explique M. Staples.
Avec la reprise de l’économie, il craint que l’enjeu ne disparaisse facilement de la conscience publique. Mais les groupes sont déterminés à ce qu’il reste en tête des préoccupations lors des prochaines élections fédérales. « Tout parti politique qui ignore cet enjeu le fait à ses risques et périls », souligne M. Staples.
Retraitée depuis six ans après une carrière de 28 ans dans les soins de santé, Mme McKibbin prend désormais soin de sa mère de 93 ans, et le système de soins actuel lui cause une certaine frustration.
Sa mère vivait de façon autonome lorsqu’elle s’est cassé le pied, ce qui l’a fait entrer dans les systèmes de santé, de retraite et de soins à domicile alors que la pandémie s’abattait sur le Canada.
Au moment du retour de sa mère, alors âgée de 92 ans, à son appartement, Mme McKibbin s’est heurtée à un mur.
« À sa sortie de l’hôpital, nous avons demandé des soins à domicile. On nous a dit qu’elle n’avait pas besoin de soins à domicile, que tant qu’elle pouvait se faire un sandwich, elle pouvait vivre seule », décrit Mme McKibbin, ajoutant que d’autres aspects du système de soins ont fonctionné à merveille, comme les six semaines que sa mère a passées dans une maison de retraite pour se remettre de sa fracture au pied.
Entre-temps, sa mère, légalement aveugle d’un oeil et malvoyante de l’autre, qui marche avec un déambulateur et porte une prothèse auditive, a subi une série de mini-AVC et est atteinte de démence précoce. Elle a abouti chez Mme McKibbin, qui a finalement pu obtenir des soins à domicile deux fois par semaine, grâce à une demande urgente d’un gérontologue. Après plusieurs tentatives, elle a également réussi à inscrire sa mère sur une liste d’attente de deux ans pour un foyer de soins de longue durée.
Mme McKibbin apprécie la stratégie de Retraités fédéraux et entrevoit un avenir prometteur si elle est adoptée. Mais elle souhaite également se faire entendre et espère que le processus comprendra des consultations et des commentaires des parties prenantes, ainsi que des personnes travaillant dans le système actuel.
« J’ai de très bonnes idées pour le moment où on commencera à définir les normes », ajoute-t-elle, laissant entendre que si elle ne participe pas au processus, elle aimerait envoyer une proposition.