Le Québec et l’Ontario font face à des problèmes liés au changement climatique, en particulier dans leurs plus grandes villes.
Un appartement situé au sommet du plus grand immeuble peut estomper le bruit et la circulation plus bas, mais même l’appartement-terrasse le plus haut ne peut échapper à la réalité du changement climatique.
Les deux plus grandes villes du centre du Canada sont les premières concernées par l’urgence de cette triste et sombre réalité climatique. Des millions de personnes vivent dans des appartements ou des copropriétés dans les régions métropolitaines de Toronto et de Montréal, et beaucoup d’entre elles n’ont ni la capacité ni l’argent nécessaire pour atténuer les conditions météorologiques extrêmes qui se profilent. Dans les deux villes, un grand nombre de projets sont proposés, ou en cours, pour protéger les résidents les plus vulnérables.
« En raison de notre importante population, on a l’impression que les changements sont encore pires dans ces régions, simplement parce que notre vulnérabilité à ces changements est beaucoup plus grande à cause du nombre de personnes qui vivent dans ces régions urbaines », explique Isabelle Charon, chef, Transfert des connaissances et formation chez Ouranos, un consortium montréalais sur le changement et l’adaptation climatiques.
« Comme on a asphalté partout, et qu’on a éliminé tous les espaces verts qu’on aurait pu avoir dans les villes, on crée un effet d’îlot thermique. La chaleur reste donc essentiellement dans les villes et les nuits ne se rafraîchissent pas », poursuit Mme Charon.
« Dans les deux provinces, le nombre de décès grimpe en flèche pendant les longues périodes de canicule estivale. Nous nous attendons à ce que le nombre de jours de chaleur extrême en été double ou triple dans les années à venir, ce qui aura une réelle incidence sur la santé de la population. »
Dans les villes, les problèmes sont nombreux et complexes, mais les deux principales préoccupations sont de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’origine du changement climatique, ainsi que d’améliorer les bâtiments actuels (en les modernisant et en réalisant d’autres projets) et les nouveaux bâtiments (avec des codes et règlements municipaux, provinciaux et même fédéraux applicables aux nouvelles constructions).
Pour Shannon Logan, l’approche consiste à « assurer la pérennité des bâtiments résidentiels ». Gestionnaire principale de programme au sein de l’Office de protection de la nature de Toronto et de la région, Mme Logan travaille au Sustainable Neighbourhood Action Program (SNAP).
« En fait, il faut travailler en étroite collaboration avec les intervenants d’un quartier ou d’une collectivité ciblée, pour dresser un plan d’action contre le changement climatique et pour la résilience climatique », explique
Mme Logan. « Nous savons que certaines collectivités, comme les tours, sont touchées de manière disproportionnée par le changement climatique, en particulier les secteurs les plus vulnérables, où les personnes ont de faibles revenus », ou que le changement climatique peut exacerber d’autres problèmes existants.
Les gens qui vivent dans des tours forment un groupe hétérogène, allant des propriétaires aisés aux locataires subventionnés, en passant par des étudiants de passage, des personnes isolées par l’âge, la maladie ou même des immigrants récents. Bon nombre d’entre eux ont de graves problèmes, comme le manque de ressources ou de mobilité, un accès limité aux espaces verts, voire l’insécurité alimentaire.
Les mesures qui peuvent être prises sont tout aussi variées. Les propriétaires d’immeubles peuvent installer des systèmes électriques de réserve et des systèmes énergétiques de remplacement, et rendre les bâtiments plus écoénergétiques. Ils peuvent également les protéger contre les inondations, planter des arbres pour créer des espaces verts et permettre des potagers sur les balcons, pour citer quelques tendances observées dans la région de Toronto. Les municipalités peuvent promouvoir l’agriculture urbaine et aménager des espaces verts et d’autres éléments qui créent de l’ombre, ainsi que des installations comme des terrains de jeux d’eau et des lieux climatisés pour les journées les plus chaudes. Ce sont peut-être là les changements les plus simples qu’une collectivité peut apporter dans des milieux aux intérêts variés.
« Il faut réunir tous ces différents intervenants, et travailler de manière intersectorielle », explique Mme Logan.
« Ce sont les propriétaires de tours, les résidents, la ville, l’office de protection de la nature, c’est à plusieurs niveaux… Nous travaillons dans un domaine où la santé publique et le climat se recoupent. La coopération est très importante. »
S’il est difficile de créer des espaces verts dans les villes, ce n’est toutefois pas impossible. Au Québec, la petite ville de Trois-Rivières a transformé la rue Saint-Maurice en remplaçant les places de stationnement par des centaines d’arbres et d’arbustes et
18 000 plantes, en plus d’installer de nouvelles canalisations et des puisards pour l’écoulement des eaux pluviales. Le projet réduit les surfaces asphaltées et, par conséquent, la chaleur urbaine.
Le drainage des eaux pluviales pose un danger en raison de l’infrastructure ancienne de nombreuses villes, d’où le tristement célèbre « déficit d’infrastructures » du Canada. La menace se produit lorsque le changement climatique accroît les précipitations et la fréquence des précipitations extrêmes.
« L’une de leurs solutions consiste à aménager plus d’espaces verts, à installer des systèmes de rétention d’eau, comme des installations et des toits verts, pour conserver une plus grande partie de l’eau de pluie qui, normalement, aboutirait dans notre système d’égouts », explique Mme Charon. Soulignons à nouveau que tout le monde doit s’impliquer, car le gouvernement ne peut affronter la crise seul.
« Si nous laissons la ville de Toronto ou la ville de Montréal s’en charger, nous n’y arriverons pas », affirme Mme Charon.
« Les espaces publics sont une chose, mais cela doit se faire aussi dans les espaces privés, et c’est tout un défi. »
La difficulté d’impliquer le public se transpose des villes au fleuve Saint-Laurent et aux Grands Lacs, et la santé de ces derniers est capitale pour les nombreuses municipalités du Québec et de l’Ontario qui consomment leurs eaux, travaillent sur celles-ci ou les avoisinent.
« Sur le plan politique, il est très difficile de déterminer ce qu’il adviendra du fleuve Saint-Laurent, qui est responsable, et de quoi, et quelles seront les conséquences (des faibles niveaux d’eau) pour toutes les personnes qui utilisent ces eaux. Il y aura moins d’eau pour le secteur agricole, pour les bateaux, pour les municipalités, et ainsi de suite. »
Ces problèmes d’envergure se font aussi sentir dans les Grands Lacs, le cœur battant de l’Ontario sur le plan environnemental.
Ces problèmes sont difficiles à résoudre, même si la meilleure solution consiste tout bonnement à ne pas faire d’erreur.
« Il y a beaucoup à faire », estime Zoe Panchen, botaniste au Musée canadien de la nature, qui étudie le changement climatique. « Nous pourrions nous efforcer d’être plus résilients face à ces phénomènes climatiques extrêmes, comme prévoir des espaces verts dans la ville et ne pas construire de bâtiments dans des milieux humides. »
Pour trouver des réponses, il suffit d’en parler, affirme Sharon Lam, chef de projet en climatologie à l’Office de protection de la nature de Toronto et de la région.
« Nous avons constaté que diffuser des exemples concrets de réussites et de mesures prises, localement ou ailleurs, est un puissant facteur de motivation pour inciter les gens à agir. »
Préserver la neige et la glace
Le changement climatique est un visiteur indésirable pour le tourisme et les sports d’hiver. L’avenir des stations de ski du monde entier s’annonce aussi périlleux qu’une piste classée diamant noir.
« Est-ce le début de la fin pour certaines stations de ski européennes? », s’inquiétait récemment un journal britannique.
Si la situation est pour l’instant moins alarmante en Amérique du Nord, on effectue beaucoup de recherches et d’adaptations en matière de fabrication de neige. Une étude menée par l’Université Carleton visant à préserver une autre attraction touristique hivernale célèbre, la « plus grande patinoire du monde » sur le canal Rideau à Ottawa, exploite ces recherches en partie.
« Les stations de ski sont [devenues] expertes dans la fabrication de la neige, et nous empruntons en quelque sorte certains de leurs concepts pour les appliquer à un plan », explique Cole Van De Ven, professeur adjoint en génie civil et environnemental. « Comment pouvons-nous faire en sorte qu’un plan d’eau retienne la chaleur d’une manière légèrement différente, pour qu’il gèle et demeure gelé? »
« Nous n’avons pas nécessairement [toujours] conscience que le changement climatique aura une incidence sur les petites choses de la vie que nous aimons. Et le canal en est, à mon avis, un excellent exemple. Il touche une corde sensible chez les gens », enchaîne-t-il.
M. Van De Ven et son collègue Yeowon Kim étudient le volume, la salinité et la température de l’eau
qui parvient dans le canal par les puisards, et leurs travaux pourraient éventuellement aider des systèmes plus importants. Leurs simulations, poursuit-il, « vont nous permettre de mieux comprendre les répercussions du milieu urbain sur des éléments comme les systèmes hydriques ».