Retraités fédéraux analyse le budget de la « relance »

20 avril 2021
Analyse de Retraités fédéraux sur le budget de 2021.
Le budget de lundi, le premier en deux ans, offre aux Canadiens et aux Canadiennes un coup d’œil dans les coulisses sur les priorités postpandémiques du gouvernement.
 

Le budget fédéral de lundi était massif, sa version française comptait 864 pages et ses dépenses étaient sans précédent. Il cumulait aussi les premières : premier budget fédéral en plus de deux ans, premier budget fédéral pour Chrystia Freeland et premier budget fédéral pour une femme ministre des Finances. Mme Freeland est également vice-première ministre.

Fidèle à la tradition, Mme Freeland a porté de nouvelles chaussures pour présenter le budget. Il s’agissait d’escarpins noirs Zvelle, une entreprise qui tient boutique dans sa circonscription de Toronto.

« Ce budget vise à finir la lutte contre la COVID. Il vise à guérir les blessures économiques découlant de la récession causée par la COVID. Il vise également à créer plus d’emplois et de la prospérité pour les Canadiens et les Canadiennes dans les jours et les décennies à venir », a dit Mme Freeland, dans son discours d’ouverture.

La récession COVID-19 est la contraction économique la plus forte et la plus rapide depuis la Grande Dépression, a-t-elle ajouté. Mme Freeland a déclaré que le budget de 2021 respecte l’enveloppe de dépenses de 100 milliards de dollars sur trois ans décrite dans l’Énoncé économique de l’automne de 2020.

« Pour 2020-2021, nous avions prévu un déficit de 381,6 milliards de dollars. Nous avons dépensé moins que ce que nous avions prévu. Notre déficit est de 354,2 milliards de dollars pour 2020-2021, ce qui est nettement inférieur à nos prévisions. »

L’année prochaine, le déficit national devrait être ramené à 154,7 milliards de dollars et on espère qu’il diminuera progressivement pour atteindre 30,7 milliards de dollars en 2025-2026.

Le directeur parlementaire du budget (DPB) avait estimé que le déficit de l’exercice 2020-2021 s’élèverait à 363,4 milliards de dollars, tandis que l’Institut C.D. Howe le prévoyait à 388,7 milliards de dollars.

Assumer ces dépenses gouvernementales historiques dépend de la croissance de l’économie canadienne. Lors de sa conférence de presse, Mme Freeland a déclaré que le PIB du Canada a augmenté de près de 10 % au cours du dernier trimestre de l’année dernière. Elle a ajouté que, même si les niveaux historiquement bas des emprunts du gouvernement les rendent abordables, le gouvernement a transféré une grande partie de ses obligations en obligations à long terme, stabilisant ainsi la dette à ces faibles taux. Elle a déclaré que le niveau de la dette en obligations à long terme était de 29 % dans le dernier budget et qu’il se rapproche maintenant de 42 %.


Pleins feux sur les soins de longue durée

La première grande annonce de Mme Freeland dans son discours sur le budget concernait les aînés, à qui elle a présenté ses excuses pour les ravages que la pandémie leur a infligés, en particulier ceux qui vivent dans des établissements de soins de longue durée.

« Nos aînés ont été les principales victimes de ce virus. La pandémie les a attaqués sans pitié, entraînant des milliers de décès et obligeant tous les aînés à subir un isolement effrayant. Nous n’avons pas été en mesure d’aider ceux qui vivaient dans des établissements de soins de longue durée. À eux et à leurs familles, permettez-moi de dire ceci :  je suis désolée. Vous méritez bien mieux que cela », a affirmé Mme Freeland.

Le budget propose un investissement de 3 milliards de dollars sur cinq ans à compter de 2022-2023, pour aider les provinces et les territoires à s’assurer que les normes de soins sont respectées dans les établissements de soins de longue durée. Dans l’Énoncé économique de l’automne de 2020, un autre milliard de dollars a été annoncé pour le Fonds pour la sécurité des soins de longue durée.

Le budget de 2021 réserve également 29,8 millions de dollars sur six ans, à compter de 2021-2022, pour que Santé Canada fasse progresser la stratégie en matière de soins palliatifs pour les besoins en soins de longue durée et de soutien. Statistique Canada disposera d’une infrastructure de données améliorée pour surveiller les soins de soutien, les soins primaires et les produits pharmaceutiques, avec 41,3 millions de dollars sur six ans à compter de 2021-2022 et 7,7 millions de dollars par la suite.

Et, dans le but d’aider les aînés à vivre chez eux, le budget propose de fournir 90 millions de dollars sur trois ans, à partir de 2021-2022, pour qu’Emploi et Développement social Canada lance l’initiative pour vieillir dans la dignité à la maison. Cette initiative viserait à soutenir les organismes communautaires qui fournissent un soutien pratique pour aider les aînés à faible revenu et autrement vulnérables à vieillir chez eux, notamment la préparation des repas, l’entretien de la maison et le transport.

« Le continuum des soins — des soins à domicile aux soins de longue durée et tout au long de ce continuum — est le fondement de notre travail de défense des intérêts depuis des années, et j’ai déjà félicité la ministre des Aînés, Deb Schulte, d’avoir fait des soins de longue durée une priorité », souligne le président de l’Association, Jean-Guy Soulière. « Même si le budget ne précise pas comment nous atteindrons les normes nationales tout en respectant les compétences, nous avons hâte que les gouvernements s’attaquent à ce que les Canadiens et les Canadiennes demandent, et de toute urgence : s’engager à définir des normes nationales liées à un financement qui fera une réelle différence dans la qualité des soins de longue durée. »
 

Renforcer la sécurité de la retraite

Le budget augmente la Sécurité de la vieillesse pour les Canadiens âgés de 75 ans et plus, ce qui permettra de verser jusqu’à 766 $ de plus aux aînés admissibles la première année, et ce montant augmentera avec l’indexation — mais les paiements plus élevés ne commenceront qu’en juillet 2022. Il prévoit également un paiement unique de 500 $ en août 2021 — qui, selon le document budgétaire, est un « paiement de subvention imposable » — aux pensionnés de la SV qui auront 75 ans ou plus en juin 2022. Au total, ces deux mesures représentent une aide financière supplémentaire de 12 milliards de dollars sur cinq ans, à compter de 2021-2022, et d’au moins 3 milliards de dollars par an en permanence, qui sera fournie par Emploi et Développement social Canada.

Le budget a offert 688 millions de dollars à Services publics et Approvisionnement Canada pour soutenir le personnel affecté au traitement des opérations de paye. L’objectif est d’éliminer l’arriéré du système de paye Phénix d’ici décembre 2022.

« Nous savons que certains retraités touchés par Phénix attendent toujours de présenter leur demande de règlement de dommages-intérêts, et ce n’est pas normal », affirme M. Soulière. « Nous allons réclamer que cette question soit traitée en priorité, et beaucoup plus rapidement que le gouvernement ne le fait actuellement. »

Le budget de 2021 alloue 27,6 millions de dollars sur trois ans à Mon65+, un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) collectif offert par le Service Employees International Union (SEIU) aux préposés aux bénéficiaires.

Un engagement vague promet également des changements à la Loi sur les normes de prestation de pension et vise à introduire un nouveau cadre pour les régimes de retraite multi-employeurs à cotisations négociées qui « renforcent la gouvernance du régime et sa transparence, ainsi que la durabilité des prestations. »

« Il s’agit d’une victoire importante pour notre défense des intérêts, même si tout est, comme toujours, dans les détails », observe M. Soulière. « Nous avons demandé au gouvernement d’encourager l’innovation et d’apporter une meilleure couverture de retraite à plus de Canadiens et de Canadiennes et, selon ces détails, c’est ce que cela pourrait faire. »
 

Soins de santé

En ce qui concerne les soins de santé, le financement des provinces au moyen du Transfert canadien en matière de santé (TCS) sera porté à 43,1 milliards de dollars pour 2021-2022. En mars 2021, le gouvernement fédéral a annoncé l’octroi d’une somme supplémentaire de 4 milliards de dollars à titre de complément unique au TCS en cas de pandémie.

En ce qui concerne les pandémies futures, Mme Freeland a annoncé l’investissement de 2,2 milliards de dollars dans la biofabrication et les sciences de la vie pour soutenir la fabrication de vaccins au Canada.

Pour soutenir la santé mentale des Canadiens, Mme Freeland a déclaré que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) allait commencer à étudier la création d’une ligne d’assistance téléphonique à trois chiffres pour la santé mentale, et que des fonds seraient mis à disposition lorsque le service serait lancé. Et, pour lutter contre la crise des opioïdes, le budget de 2021 propose de fournir 116 millions de dollars supplémentaires sur deux ans pour la réduction des méfaits, le traitement et la prévention, à partir de 2021-2022, en plus des 66 millions de dollars figurant dans l’Énoncé économique de l’automne de 2020.

Malheureusement, le programme national d’assurance-médicaments promis a été repoussé plus loin, le gouvernement s’engageant seulement à l’étudier ultérieurement avec les parties prenantes provinciales.

L’une des plus importantes nouvelles annonces est la réalisation d’une promesse libérale d’une stratégie nationale de garde d’enfants, faite pour la première fois en 1993. Mme Freeland a déclaré que, en raison de la pandémie, la participation des femmes au marché du travail est à son plus bas niveau depuis plus de deux décennies. Même si la garde des enfants n’est pas une question qui concerne uniquement les femmes, elle a souligné que la majorité des soins aux enfants — comme la plupart des soins — sont encore donnés par des femmes, et que le Canada a donc besoin d’une politique économique féministe. Le gouvernement s’apprête à investir 30 milliards de dollars sur cinq ans, soit 8,3 milliards de dollars par an, de façon permanente, pour mettre en place un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants de haute qualité, abordable et accessible dans tout le Canada. L’objectif est de s’inspirer, à l’échelle nationale, du programme de 10 $ par jour qui existe au Québec, qui recevra toujours sa part de l’argent que le gouvernement fédéral espère qu’il utilisera pour la garde d’enfants.

« Ce budget reconnaît le rôle des aidants naturels, en particulier des femmes qui assument davantage de tâches de soins », mentionne M. Soulière. « Nous aurions toutefois aimé voir des mesures pour les aidants naturels qui aident les personnes âgées. »

En ce qui concerne le logement abordable, le budget propose d’investir 2,5 milliards de dollars et de réaffecter 1,3 milliard de dollars de fonds existants pour aider à construire, réparer et soutenir 35 000 logements abordable existantes. Les représentants du gouvernement ont confirmé à Retraités fédéraux que cela comprendra des options de logement pour les aînés. Et, fait intéressant, le gouvernement a affecté 300 millions de dollars pour aider à convertir les espaces de bureaux vacants en raison de la pandémie en logements à faible coût.

Pour lutter contre le sans-abrisme, le budget veut maintenir le financement offert dans la mise à jour de l’automne et ajouter 567 millions de dollars supplémentaires sur deux ans. Le budget de 2021 propose également de fournir 45 millions de dollars sur deux ans, à partir de 2022-2023, pour un programme pilote visant à réduire le sans-abrisme des vétérans, grâce à des suppléments au loyer et à des services globaux pour les vétérans sans abri, dont le counseling, le traitement de la toxicomanie et l’aide à la recherche d’emploi.
 

Vétérans et militaires

Des fonds sont prévus pour lutter contre l’inconduite sexuelle et la violence fondée sur le genre dans l’armée, notamment 74 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans pour améliorer les services de soutien aux victimes, y compris les conseils juridiques et les groupes de soutien par les pairs, ainsi que pour améliorer la recherche et la formation.

Le budget mentionne d’« autres initiatives » visant à renforcer la capacité de l’armée à lutter contre le harcèlement et la violence.

Le budget attribue 140 millions de dollars sur cinq ans à Anciens Combattants Canada pour des programmes visant à couvrir les frais de soins de santé mentale des vétérans souffrant de TSPT, de troubles dépressifs ou d’anxiété pendant le traitement de leur demande de prestations d’invalidité. Un montant additionnel de 15 millions de dollars sur trois ans sera ajouté au Fonds pour le bien-être des vétérans et de leurs familles, pour aider les vétérans à se rétablir pendant la relance post-COVID-19.

Le ministère des Anciens Combattants disposera de 29 millions de dollars pour améliorer la capacité de service, ce qui contribuera sans doute à rationaliser les processus et à éliminer l’arriéré de demandes de prestations qui accable le ministère et nuit aux vétérans depuis des années.

« Il y a de bons investissements dans ce budget pour les vétérans, mais il ne nous dit pas comment le gouvernement du Canada fera évoluer ses militaires vers des résultats plus équitables et comment ces mesures permettront de combler les lacunes auxquelles les femmes en service font face depuis longtemps », précise M. Soulière. « Nous savons qu’il s’agit d’une priorité du gouvernement, car c’est dans la lettre de mandat du ministre des Anciens combattants. Nous aurons donc encore du travail à faire ici. »
 

Coup d’envoi à l’économie pour la relance

Pour ce qui est d’aider à relancer l’économie, d’autres points importants ont été la prolongation des programmes de soutien fiscal en cas de pandémie. La subvention salariale, la subvention pour le loyer et le soutien aux entreprises et aux autres employeurs en cas de confinement seront prolongés jusqu’au 25 septembre 2021, pour un total estimé à 12,1 milliards de dollars, même si la prestation d’intervention d’urgence du Canada (CERB) tombera à 300 $ par semaine après le 17 juillet.

« Environ 300 000 Canadiens et Canadiennes qui avaient un emploi avant la pandémie sont toujours au chômage », a annoncé Mme Freeland pendant sa conférence de presse. « D’autres risquent de perdre leur emploi lors des confinements de ce mois-ci ».

Le nouveau Programme d’embauche pour la relance économique au Canada, qui sera en vigueur de juin à novembre, fournira 595 millions de dollars pour permettre aux entreprises de réembaucher plus facilement les travailleurs mis à pied ou d’en embaucher de nouveaux. Le Programme d’adoption du numérique du Canada fournira 4 milliards de dollars pour aider jusqu’à 160 000 petites et moyennes entreprises à acheter et à adopter de nouvelles technologies, et offrira des conseils et de la formation à 28 000 d’entre elles, espérant ainsi créer un bassin de travailleurs canadiens dans le domaine de la technologie. De plus, les grandes entreprises seront autorisées à dépenser 1,5 million de dollars en investissements technologiques admissibles, ce qui représente pour elles une économie de 2,2 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.

En ce qui concerne l’écologisation de l’industrie, 5 milliards de dollars sur sept ans ont été promis, à partir de 2021-2022, dans le cadre de l’accélérateur zéro net. Ce montant s’ajoute aux 3 milliards de dollars engagés en décembre pour aider davantage d’entreprises à investir dans la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Le budget promet également d’investir 17,6 milliards de dollars dans une reprise verte pour aider le Canada à atteindre son objectif de conserver 25 % des terres et des océans du pays d’ici 2025, à dépasser ses objectifs climatiques de Paris et à réduire ses émissions de 36 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, et à progresser sur la voie de l’atteinte d’une émission nette zéro d’ici 2050.

L’Allocation canadienne pour les travailleurs passe à 8,9 milliards de dollars sur six ans, prolongeant les suppléments de revenu pour un million de Canadiens à faible revenu et portant le salaire minimum à 15 $ l’heure à l’échelle nationale. Le budget prolonge aussi les prestations de maladie de l’assurance-emploi (AE), qui passent de 15 à 26 semaines.
 

Taxes plus élevées sur les produits de luxe et pour les grandes entreprises de services numériques

Pour ce qui est de l’augmentation des taxes et des impôts, les riches devront payer une taxe de luxe sur les nouvelles voitures et les avions privés d’une valeur supérieure à 100 000 dollars et sur les bateaux de plaisance d’une valeur supérieure à 250 000 dollars. Les grandes entreprises internationales de services numériques ont également été prévenues que le gouvernement allait bientôt commencer à les taxer unilatéralement dès l’été.

Le budget a annoncé l’intention d’imposer des taxes d’accise sur les produits de vapotage et d’ajouter 4 $ par cartouche au prix des cigarettes, ce qui générera 1,2 milliard de dollars sur cinq ans à partir de 2021-22.

Et pour alléger la spéculation immobilière étrangère, le gouvernement introduit, le 1er janvier 2022, la première taxe nationale du Canada sur les biens immobiliers vacants appartenant à des non-résidents non canadiens.