Un an après avoir investi dans un prêteur de cryptomonnaie, le Régime de rentes du Québec a perdu tout son investissement.
En octobre 2021, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), l’organisme chargé d’investir les fonds du Régime de rentes du Québec (RRQ) et d’autres régimes du secteur public au Québec, a injecté près de 150 millions de dollars américains dans Celsius Network, qu’elle qualifiait alors de « principal prêteur de cryptomonnaies au monde [possédant] une équipe de direction solide qui place la transparence et la protection de la clientèle au cœur de ses activités ».
Moins d’un an plus tard, la CDPQ a dû radier la totalité de l’investissement.
Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec le sujet, la cryptomonnaie fonctionne comme une monnaie décentralisée (ce qui signifie qu’aucune autorité centrale, comme un gouvernement, ne la contrôle). Toutes les informations, comme les échanges de devises par les utilisateurs, sont conservées dans un registre numérique appelé chaîne de blocs, dupliqué et distribué sur des ordinateurs partout dans le monde. Il existe plusieurs types de cryptomonnaies, les plus importantes étant Bitcoin et Ethereum.
Fondée en 2017, Celsius prévoyait devenir la première société de prêt et d’emprunt pour les cryptomonnaies. Les déposants bénéficiaient de taux d’intérêt élevés, de beaucoup supérieurs à ce que n’importe quelle banque pouvait offrir. Les utilisateurs profitaient d’un taux d’intérêt de 18 % s’ils acceptaient d’être payés en CEL, la propre cryptomonnaie de Celsius. L’entreprise prétendait pouvoir payer des taux aussi élevés parce qu’elle refilait la majeure partie de ses profits à ses clients.
Le stratagème a été décrit plus tard comme la définition même d’une combine à la Ponzi, soit une forme de fraude qui génère des rendements pour les investisseurs existants avec l’argent des nouveaux clients. Dissimulée par une campagne de marketing des plus rondement menée et de l’engouement pour la cryptomonnaie, l’escroquerie est passée inaperçue.
Les actifs de Celsius ont atteint plus de 25 milliards de dollars en octobre 2021. Toutefois, la tempête se profilait déjà à l’horizon pour Celsius et ses bailleurs de fonds.
En 2022, le marché de la cryptomonnaie s’est effondré. Celsius a commencé à attirer l’attention des organismes de réglementation des valeurs mobilières. De plus, ses dirigeants se sont retrouvés dans l’eau chaude en raison de leur association avec des individus accusés de blanchiment d’argent et de fraude.
En dépit des premiers démentis, il s’est révélé que Celsius avait effectué des investissements à haut risque avec l’argent de ses utilisateurs par l’intermédiaire d’une équipe internationale de courtage. Un ancien partenaire d’affaires a déposé une poursuite à New York, alléguant que Celsius n’avait pas effectué la comptabilité de base, ce qui avait mis en danger les fonds des clients. En fait, les investissements n’avaient pas bien tourné et l’entreprise payait plus d’intérêts qu’elle ne pouvait en générer. Celsius était insolvable.
En mai 2022, tous les retraits des utilisateurs ont été suspendus. En juillet, Celsius a fait faillite. Son passif total se chiffrait à 5,5 milliards de dollars.
En septembre, les autorités financières du Vermont ont affirmé que Celsius avait déjà éprouvé des difficultés en 2020 et 2021. La société avait utilisé de nouveaux dépôts pour payer les rendements des clients existants. Rien n’indique que la CDPQ était au courant de ces problèmes à l’époque, mais des questions ont fait surface sur son manque de diligence raisonnable.
Pour sa part, la CDPQ a déclaré qu’elle étudie ses options juridiques et un conseiller principal a confié au Financial Post que « certains de nos investissements, comme celui de Celsius, n’ont pas le rendement prévu ».
Certains qualifient cette déclaration d’euphémisme. Pendant ce temps, Retraités fédéraux surveille activement le paysage canadien des pensions. À notre connaissance, le RPC et l’OIRPSP n’ont pas investi dans la cryptomonnaie et ne prévoient pas de le faire. La CDPQ investit les fonds de 46 régimes de retraite, dont le RRQ. Avec plus de 390 milliards de dollars d’actifs nets, la CDPQ est l’un des fonds les plus importants au Canada. La récente radiation pourrait toucher les pensions de plus de deux millions de Québécois.