Dans son rôle de ministre des Aînés, Seamus O’Regan affirme qu’il protégera les pensions, fera pression en faveur de l’assurance-médicaments et réclamera un meilleur service de la part de la Canada-Vie sur la transition du Régime de soins de santé de la fonction publique, pour ne citer que quelques-unes des tâches sur sa liste. Photo : Dave Chan
Avant le remaniement ministériel de juillet, la ministre fédérale des Aînés Kamal Khera ne détenait que ce portefeuille. Par la suite, le portefeuille du ministre des Aînés a été ajouté aux responsabilités du ministre du Travail Seamus O’Regan. Et il comprend que passer d’un seul portefeuille à deux qui combinent les responsabilités conjointes du travail et des aînés puisse être perçu comme un recul pour les aînés. Mais il a une demande à ce sujet : Donnez-lui une chance et laissez ses états de services parler d’eux-mêmes.
« En fin de compte, ne jugez rien d’autre que les résultats que je peux obtenir pour les aînés », dit M. O’Regan, qui représente la circonscription de St. John’s Sud—Mount Pearl, à Terre- Neuve-et-Labrador. « C’est la seule chose sur laquelle je devrais obtenir une note. »
Sa feuille de route est bien remplie, et voici quelques-unes de ses réalisations : Lorsqu’il était ministre des Anciens Combattants, il a mené à bien le programme Pensions à vie et a mis en place une allocation pour études et formation. Lorsqu’il était ministre des Services aux Autochtones, il a obtenu que les services à l’enfance et à la famille soient restitués aux communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis, en vertu de la loi. Aux Ressources naturelles, il a dirigé le ministère en période de COVID-19 et de guerre des prix du pétrole.
« Je travaille dur et j’essaie de travailler intelligemment », déclare M. O’Regan. « Je passe beaucoup de temps à écouter, mais j’agis rapidement. Si les gens se demandent quelle sera ma contribution à ce dossier, ils n’ont qu’à regarder mes résultats. Je répondrai aux attentes. »
Lori Turnbull, directrice de l’École d’administration publique et professeure associée de sciences politiques à l’Université de Dalhousie, n’accorde pas une grande importance à ce partage de responsabilités.
« Si un ministre est responsable, alors il y a un sentiment de priorité », déclare Mme Turnbull. « D’un autre côté, des personnes comme Dominic LeBlanc et Chrystia Freeland ont des portefeuilles multiples. C’est ce que fait ce premier ministre. Lorsqu’il croit aux capacités d’un ministre, il a tendance à lui confier plus d’un [poste]. »
Patrick Marier, professeur de sciences politiques à l’Université Concordia et directeur du centre de recherche universitaire qui étudie la gérontologie sociale, estime qu’il y a un ministre des Aînés parce que les aînés en veulent un. Il fait valoir qu’il serait plus judicieux de créer un secrétariat des aînés au sein du cabinet du premier ministre.
« Il aurait beaucoup plus de pouvoir et de force », dit-il. Toutefois, il aime le lien entre les portefeuilles des Aînés et du Travail, car il dissocie les aînés de la santé, ce qui renforce l’idée que le vieillissement n’est pas une pathologie.
Selon Isobel Mackenzie, protectrice des aînés en Colombie-Britannique, il n’est pas inhabituel d’avoir deux portefeuilles.
« Ce n’est donc pas nécessairement une mauvaise chose », précise Mme Mackenzie.
« Je pense que nous devons permettre au ministre O’Regan de faire ses preuves. Comme nous avons eu un ministère autonome pour les Aînés, un personnel a été spécialement formé à ces enjeux. Je présume que ce personnel se trouve aujourd’hui dans le bureau [de M. O’Regan]. Et parfois, étant donné l’étendue de ses responsabilités, le ministre a plus de poids au sein du cabinet. »
La loi sur la sécurité des soins de longue durée
En ce qui concerne les éléments de ce dossier, M. O’Regan déclare que la loi sur la sécurité des soins de longue durée fait partie de sa lettre de mandat (celle de 2021 écrite pour Mme Khera) et que les aînés peuvent s’attendre à ce qu’elle soit mise en oeuvre.
« Cela fait partie de notre accord avec le NPD, car nous nous entendons tous deux pour dire que ce que nous avons vu pendant la pandémie était inacceptable pour les aînés et les aides-soignants », précise-t-il. « Nous travaillons également à l’élaboration de nouvelles sanctions en vertu du Code criminel et d’une nouvelle définition de la politique nationale en matière de maltraitance des aînés. »
De plus, son ministère travaille avec les provinces à la mise en oeuvre de ses normes nationales sur les soins de longue durée. Cependant, les problèmes de compétence juridictionnelle restent un défi.
« Mais si nous reconnaissons tous deux que nous avons les mêmes objectifs, [cela peut fonctionner] », dit-il. « J’ai d’assez bons antécédents en matière de collaboration avec les provinces et les territoires. Nous devons travailler ensemble sur les enjeux. Le gouvernement fédéral peut être utile, il peut jouer un rôle de direction ou de coordination. »
La santé mentale, une priorité
M. O’Regan s’intéresse tout particulièrement à la santé mentale des aînés, ayant lui-même surmonté des problèmes de santé mentale liés à une dépendance à l’alcool. Il a également travaillé comme défenseur de la santé mentale pendant de nombreuses années.
« Nous avons un dicton à Terre-Neuve — « mes nerfs sont à vif » — et je pense que les nerfs des gens sont encore à vif. Je pense que nous commençons tout juste à considérer la santé mentale de la même manière que la santé physique. Je veux m’assurer que les aînés ont autant accès aux services de santé mentale que n’importe qui d’autre. Je ne sais pas encore comment cela va se concrétiser, mais [restez à l’affût] », explique-t-il.
Comme il est homosexuel, M. O’Regan se penchera aussi sur la question des membres de la communauté 2SLGBTQ+ qui « redeviennent dissimulés » dans les établissements de soins de longue durée.
Professeure à l’Université de Dalhousie, Jacqueline Gahagan travaille au sein de la division de promotion de la santé de l’École de la performance humaine et de la santé. À son avis, « les personnes âgées et homosexuelles ne savent pas très bien s’il est prudent pour elles de s’afficher ou non dans les foyers de soins de longue durée ou de retraite ». M. O’Regan a conscience du problème et prévoit de préconiser que ces personnes puissent être elles-mêmes à ce stade de leur vie.
« On éprouve une profonde gratitude à l’égard des droits de la personne lorsqu’ils se matérialisent au cours de sa vie », déclare-t-il. « J’ai 52 ans et, si vous m’aviez dit dans ma vingtaine que ce jour arriverait, je ne vous aurais pas cru. Les aînés ont également vu ces droits se concrétiser au cours de leur vie. Et, quand cela se produit, on sait que ces droits peuvent être supprimés. Je veux m’assurer que les aînés qui ont gagné ces libertés en jouissent jusqu’à leur décès. Et cela ne devrait pas se faire au détriment des soins nécessaires. »
Ce dossier en est aussi à ses débuts. Il ignore encore comment le travail à son sujet prendra forme, tout en répétant de rester à l’affût.
« C’est une priorité pour moi et un dossier que je dois défendre. »
Les relations avec l’Association
M. O’Regan a rencontré de manière informelle Anthony Pizzino, le directeur général de Retraités fédéraux, et prévoit de bonnes relations avec l’Association.
« Elle joue un rôle nécessaire, d’acteur important, avec d’excellentes idées. Ottawa n’a pas le monopole des bonnes idées et les acteurs ont souvent plus de mémoire institutionnelle que les ministres avec lesquels ils travaillent. J’aborde ce poste en toute humilité », confie-t-il.
M. O’Regan se souvient d’une anecdote racontée par l’animateur George Stroumboulopoulos. Élevé par une mère célibataire qui l’encourageait à se rendre dans un foyer de soins de longue durée local après l’école, c’est à cela que M. Stroumboulopoulos attribue sa capacité d’écoute et son talent d’intervieweur.
« J’avais l’habitude de faire la même chose », se souvient M. O’Regan. « Ma mère m’encourageait à aller voir mon oncle Fred au foyer St. Patrick’s Mercy Home, ici à St. John’s. J’y allais après l’école et maman venait me chercher plus tard. On apprend beaucoup ainsi. Ce que [l’oncle Fred et ses amis] m’ont enseigné, c’est que si on prend le temps et si on sait écouter, on s’enrichit d’autant plus. Cela m’a beaucoup marqué, même avant que je ne choisisse [de débuter ma carrière en] journalisme. »
La transition du RSSFP
Lorsqu’il a été informé des difficultés éprouvées par les retraités fédéraux lors du transfert du Régime de soins de santé de la fonction publique de la Sun Life à la Canada-Vie, M. O’Regan a déclaré qu’il soulèvera la question auprès de ses collègues du Conseil du Trésor. Des milliers de membres de l'Association lui demandent de l’aide en tant qu’organisation, par téléphone et par courriel, parce qu’ils cherchent désespérément des solutions, même si ce n’est pas de son ressort.
« C’est un dossier que je ferai avancer au sein du gouvernement », dit-il, ajoutant qu’il n’est pas normal que l'Association soit inondée d’appels. « Trois cents appels par semaine? Remerciez votre équipe pour sa patience.
Mais ce n’est pas à elle qu’il devrait revenir de prendre ces appels. »
Hartley Witten, l’attaché de presse de M. O’Regan, a ajouté que les pouvoirs en place travaillent sur la transition et ses défis, qualifiant ce processus de « continu ».
L’assurance-médicaments
M. O’Regan affirme que l’assurance-médicaments sera mise en place dans le cadre de l’entente de soutien et de confiance que les libéraux ont conclue avec le NPD, et qu’un pas dans la bonne direction serait d'investir dans l’achat de médicaments en gros.
« Je suis membre de Costco, alors je comprends », s’esclaffe-t-il. « Nous faisons des progrès, mais cela n’avance jamais aussi vite qu’on le souhaite. »
Les pensions
Sans toutefois mentionner de date, M. O'Regan dit que les libéraux se sont engagés à augmenter le Supplément de revenu garanti (SRG) de 500 $ pour les aînés célibataires et de 750 $ pour les couples.
« La SV et le SRG sont essentiels. Je me consacrerai à ces dossiers et veillerai à ce que nous continuions de respecter les objectifs en matière d’abordabilité. »
En ce qui concerne les régimes de retraite à prestations déterminées des retraités fédéraux et des autres Canadiens, M. O’Regan affirme qu’il les surveillera de près, comme il l’a toujours fait. Comme la population de sa province compte 23,6 % d’aînés, il en fait une priorité.
Et, après la menace de la première ministre Danielle Smith de quitter le Régime de pensions du Canada (RPC) pour lancer un régime de pensions pour l’Alberta, il s’efforcera aussi de maintenir cette province au sein du RPC.
L’âgisme
Le père de M. O’Regan est décédé pendant la pandémie après une longue maladie, mais sa mère a près de 80 ans et est « formidable ».
Il explique que le fait d’avoir des parents âgés l’a aidé à confirmer ce qu’il a toujours pensé, à savoir que les aînés ont droit à la dignité et à la liberté de choix lorsqu’ils vieillissent.
« Le Conseil national des aînés travaille sur ce dossier pour comprendre l’état de la situation et s’efforcer de lui faire échec », déclare-t-il. « Et j’essaie aussi de trouver des moyens. C’est là que le travail et les aînés se recoupent. Nous souffrons actuellement de la plus grande pénurie de main-d’oeuvre de l’histoire du Canada et nous disposons d’une énorme main-d’oeuvre [chez les aînés] qui n’est certainement pas exploitée comme elle devrait l’être. »
Il souhaite trouver des moyens d’encourager des personnes comme son père, Seamus O’Regan dont il porte le nom, qui a continué à travailler comme juge fédéral jusqu’à l’âge de 75 ans, à poursuivre leur travail.
« Je m’engage dans ce poste avec beaucoup de curiosité et une grande détermination à suivre les dossiers de près », conclut M. O’Regan