Anciens Combattants Canada doit s’assurer que tous les vétérans et vétéranes sont pris en compte dans ses recherches.
Pour la plupart des Canadiens, la genèse et l’évolution des politiques et des programmes gouvernementaux sont mystérieuses. Les politiques et les programmes peuvent être mis en oeuvre pour des raisons politiques, mais ils sont aussi le fruit du travail de fonctionnaires et d’universitaires dévoués qui examinent la recherche pour comprendre la cause profonde des symptômes. Pour instaurer des politiques et des programmes judicieux, les données sont incontournables.
À Anciens Combattants Canada (ACC), ces recherches sont menées par la Direction de la recherche, entre autres canaux internes et extérieurs. Pour savoir comment les lacunes dans le bien-être des vétérans et dans la recherche sont déterminées, le Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes (RREV) s’est entretenu avec Mary-Beth MacLean, de cette direction.
Après la Seconde Guerre mondiale, ACC possédait des hôpitaux pour vétérans dans tout le pays, dont Sunnybrook de Toronto, où on a mené de nombreuses recherches cliniques sur les vétérans. Dans les années 50, l’équipe de recherche d’ACC comptait 112 personnes, dont des médecins, des chercheurs et des assistants, et ACC collaborait avec des universités et des chercheurs partout au pays. En 1962, ACC menait 90 études.
Lorsque les hôpitaux sont devenus de compétence provinciale dans les années 70 et 80, le Canada a perdu sa capacité de recherche sur la santé des vétérans. Parallèlement, les postes traditionnellement masculins au sein des Forces armées canadiennes (FAC) ont été ouverts aux femmes, et le Canada a participé à des opérations militaires de 1990 au début des années 2000. La recherche n’a jamais été inutile, mais, en 2000, ACC a dû combler un déficit de recherche pour mieux déterminer ce que devenaient les vétérans. Et il continue de rattraper son retard.
Mme MacLean, qui travaille à la Direction de la recherche depuis 2008, fait bénéficier l’équipe de sa formation en économie de la santé. Créée en 2001, la direction a aujourd’hui une équipe de 12 spécialistes en épidémiologie, en biostatistique, en santé au travail et en évaluation de l’exposition.
Il semble insuffisant qu’un ministère de 3 000 employés compte seulement 12 chercheurs, surtout avec une population de vétérans estimée à environ 650 000 personnes. Mais il ne faut pas se cantonner à la capacité. La stratégie et le travail intelligent comptent aussi.
Importance de la recherche ciblée
En plus de ses travaux, la Direction de la recherche tient aussi compte d’études à grande échelle qui ont permis d’identifier des vétérans, pour interpréter et suivre les tendances en matière de santé et d’un autre ordre. L’équipe harmonise ses travaux de recherche avec ceux de groupes universitaires, dont les quelque 40 universités affiliées à l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans (ICRSMV). La direction donne également accès aux données d’ACC, de la Défense nationale et de Statistique Canada aux universitaires du monde entier et transfère les connaissances sur la santé et le bien-être des vétérans, pour soutenir les politiques judicieuses et les fournisseurs de services qui travaillent avec les vétérans.
L’identification des vétérans est un projet permanent d’ACC qui remonte à la Première Guerre mondiale. Le recensement de 1971 comportait une question, celui de 2021 en posera une aussi. Les données de 2021 permettront de déterminer les caractéristiques des vétérans canadiens et ces données seront mises à la disposition des chercheurs et des décideurs politiques par Statistique Canada. Ceux-ci pourront ensuite associer ces données à d’autres documents, notamment les archives de Bibliothèque et Archives Canada. Le tout permettra de dresser un portrait plus clair des vétérans et de ce qu’ils vivent.
À l’heure actuelle, les recherches nécessaires sont en cours sur des enjeux importants pour les vétérans, allant du cannabis à la thérapie équine. Le hic? S’assurer que la recherche tient compte de toutes les expériences des vétérans, à commencer par la définition des questions et la structure des projets, et l’inclusion des expériences des vétérans qui sont des femmes, les personnes autochtones, noires et de couleur (PANDC) et les personnes LGBTQ2. Après tout, c’est notre identité unique qui oriente comment nous menons et vivons notre vie.
L’utilisation des principes de l’« analyse comparative entre les sexes plus » (ACS+) permet de poser les bonnes questions et de combler les failles dans les connaissances. Toutefois, le Canada a encore du chemin à faire. En 1970, le gouvernement fédéral s’est engagé à tenir compte des femmes et des questions les concernant dans les décisions politiques, et à remettre en question les hypothèses voulant que les politiques ont un impact différent sur les femmes et les hommes. Au fil du temps, le concept de l’ACS+ a reconnu d’autres facteurs d’identité comme la race, l’origine ethnique, la religion, l’âge et le handicap.
En menant des recherches selon l’optique de l’ACS+, on améliorera la situation de tous les vétérans du Canada. L’ACS+ fait son chemin à ACC, qui a établi un Bureau de la condition féminine et des vétérans LGBTQ2 en 2019.
Il faut maintenir la lancée, car le temps presse pour de nombreux vétérans, dont toute une génération de femmes. Les femmes occupent des postes opérationnels depuis 1989, et les FAC visent à compter au moins 25 % de femmes d’ici 2025. Des recherches récentes révèlent que les femmes enrôlées dans les FAC connaissent des taux plus élevés de blessures, de maladies et de libération pour raisons médicales; des délais d’attente plus longs pour les demandes; des idées fausses et sexistes sur la nature des agressions sexuelles et des traumatismes devant le Tribunal des anciens combattants (révision et appel); des expériences moins favorables sur le marché du travail, et une probabilité élevée d’avoir des revenus plus faibles et une croissance de revenus moindre après la libération; et, dans de nombreux cas, des résultats de santé moins bons. Tout cela est dû, au moins en partie, au fait que nous n’avons pas posé les bonnes questions de recherche pour obtenir les données nécessaires à des politiques et des programmes efficaces et donnant des résultats équitables pour tous les vétérans.
Mention élogieuse de l’ombudsman des vétérans
La Mention élogieuse de l’ombudsman des vétérans (OV) est décernée tous les ans à des récipiendaires partout au Canada. Nommés par leurs pairs, ils sont sélectionnés par l’OV, en consultation avec le Conseil consultatif de l’ombudsman des vétérans pour l’amélioration durable qu’ils apportent dans la vie des vétérans et de leurs familles. Cette année, les six lauréats — dont une membre de Retraités fédéraux — comprenaient des défenseurs revendiquant l’équité pour tous les vétérans. La distinction a été remise par Sharon Squire, ombudsman adjointe des vétérans, lors d’une cérémonie virtuelle le 18 novembre 2020.
Matelot de 1re classe retraitée, Marie-Claude Gagnon a servi pendant sept ans dans la Réserve navale canadienne et a été reconnue pour son important travail d’aide aux vétérans touchés par des traumatismes sexuels liés au service militaire (TSLSM), réalisé au moyen de It’s Just 700, nom de son réseau social et de son site Web. Son réseau offre un soutien par les pairs confidentiel et partage des informations et des ressources. Il a aussi sensibilisé l’opinion publique, activé un changement systémique positif dans les FAC et incité les universitaires à étudier les impacts des TSLSM.
Mme Gagnon a lancé son réseau après avoir entendu un officier supérieur de l’armée réagir à un rapport de 2015 sur l’inconduite sexuelle dans les FAC en déclarant : « Il n’y a que 700 entrevues [plaintes] (It’s Just 700 interviews) ». Cette réaction l’a galvanisée, car 700 personnes victimes d’un TSLSM, c’était 700 de trop pour elle.
En 2019, Mme Gagnon a également contribué au succès d’un recours collectif avec un règlement de 900 millions de dollars au sujet de la conduite sexuelle des militaires dans les FAC et à la Défense nationale.
Ses membres la qualifient d’ange, de bienfaitrice et de force de la nature, et, par-dessus tout, de chef inlassable et désintéressée.
Retraités fédéraux félicite tous les récipiendaires de la Mention élogieuse de l’ombudsman des vétérans 2020, dont Marie-Claude Gagnon et Brigitte Laverdure, dans la catégorie Individu, et Jack O’Reilly, Robert Thibeau et Wolf Solkin, dans la catégorie Contribution de toute une vie.
Pour connaître leurs témoignages, visitez www.ombudsman-veterans.gc.ca/.