Le capital-investissement gagne en popularité, mais il fait également l’objet de plus de surveillance et de critiques, parfois à juste titre.
Interrogé sur son avis concernant la participation de régimes de retraite au capital-investissement (CI), l’investisseur renommé Warren Buffett a déclaré qu’il avait « vu un certain nombre de propositions de fonds de capital-investissement dont les rendements ne sont vraiment pas calculés d’une manière que je considérerais comme honnête. Si je gérais un fonds de pension, je serais très prudent par rapport à ce qui m’était proposé. »
Chaque année, les régimes de retraite publient des rapports annuels qui incluent une ventilation de ce qu’ils possèdent, ce que la plupart d’entre nous comprennent comme étant les infrastructures, l’immobilier et les actions. Le CI demeure toutefois un mystère pour beaucoup de personnes. Il représente un tiers (33 %) du portefeuille d’actifs de l’Office d’investissement du régime des pensions du Canada (OIRPC) et 37,2 milliards dollars d’actifs d’Investissements PSP, mais qu’est-ce que cela signifie?
En termes simples, c’est un investissement dans une entreprise non cotée en bourse. Il peut être effectué par une société de CI (comme Blackrock, KKR ou Apollo) ou par achat direct. Idéalement, une entreprise ayant un rendement médiocre serait acquise, restructurée, puis revendue en réalisant un profit. Il s’agit habituellement d’investissements à long terme qui ne sont pas facilement liquidés, ce qui convient aux régimes de retraite ayant des horizons de placement plus longs.
Le CI présente plusieurs avantages, notamment un historique de rendements raisonnables et stables. Par conséquent, ces placements gagnent en popularité. Au cours des dix dernières années, plus d’argent a été accumulé sur les marchés privés que sur les marchés publics. Cependant, ces changements ont entraîné une plus grande surveillance et plus de critiques.
Les transactions ou les ententes avec des sociétés de CI manquent souvent de transparence. Les modalités des ententes sont rarement divulguées. Les frais de gestion et de performance payés aux sociétés de CI, rarement publiés, sont souvent exorbitants.
De plus, les évaluations de ces actifs semblent également irréalistes, demeurant stables même lorsque les actions subissent d’énormes baisses. C’est une des raisons pour lesquelles les gestionnaires de fonds de pension les apprécient, mais cela a suscité des soupçons. Certains experts, comme Jeffrey C. Hooke, professeur à la John Hopkins Carey Business School, soulignent que les fonds de CI rapportent les valeurs de leurs propres placements avec peu de surveillance de tiers. La volatilité est minimisée et les rendements sont « lissés ». Une évaluation surestimée pourrait entraîner des pertes inattendues au moment de la vente. Pendant ce temps, les sociétés de CI se battent bec et ongles contre les efforts des organismes de réglementation visant à rendre leurs transactions plus transparentes.
On a également accusé les sociétés de CI de manquer d’éthique, notamment en raison de la façon dont elles acquièrent des entreprises. Généralement, elles effectueront une prise de contrôle adossée pour acheter une entreprise. Elles pourraient investir 10 % de la valeur de l’entreprise, puis contracter un prêt pour le reste du coût ou l’utiliser comme effet de levier. La société ne prend toutefois pas elle-même le risque; elle impose cette dette à l’entreprise qu’elle a acquise. Elle réduit ensuite les coûts pour faire face à la dette, se verse des honoraires de consultant et vend l’entreprise en réalisant un profit, souvent au détriment de ses clients et employés.
Cela peut devenir une situation de vie ou de mort, par exemple, lorsque des sociétés de CI achètent des établissements de soins de longue durée.
Il n’est pas surprenant que des sociétés de CI aient récemment fait les gros titres dans le secteur immobilier. Business Insider a rapporté que 44 % des achats de maisons individuelles aux États- Unis en 2023 ont été effectués par des sociétés de CI, qui ont également jeté leur dévolu sur le Canada.
BlackRock, une entreprise qui collabore avec l’OIRPC, possède déjà 14 milliards de dollars en actifs immobiliers au Canada. Cela signifie que les placements de votre régime de retraite pourraient faire en sorte qu’il soit plus difficile, pour vous ou pour vos enfants, d’acheter ou de conserver une maison.
Il se passe beaucoup de choses dans le domaine du CI en ce moment; par exemple, l’OIRPC et la Caisse de dépôt et placement du
Québec ont chacun vendu des actifs d’environ 2 milliards de dollars en novembre, peut-être parce que l’ensemble du marché ralentit. Au bout du compte, le CI est un marché obscur dont les rendements et les pratiques réels sont largement dissimulés. Bien que nous ne puissions rien y faire, nous pouvons au moins le surveiller et en être conscients.