Sage a interviewé cinq retraités qui ont renoué avec leur créativité.
Négligez-vous l’artiste qui sommeille en vous? Sage aborde le sujet avec cinq personnes qui ont enfin pu se consacrer à leurs projets créatifs à la retraite et ne l’ont jamais regretté. Voici leurs cheminements.
Sculpteur, Whitehorse, Yukon
Donald Watt
Ancien superviseur et observateur de conditions météorologiques, Environnement Canada
En tant que sculpteur professionnel, Donald Watts possède un avantage. « Je réfléchis en trois dimensions », explique le Yukonnais de longue date. Cela lui a servi dans son métier aussi. « Avec quelques indications du météorologiste, je pouvais visualiser l’état d’une tempête et savoir si elle allait s’aggraver ou faiblir, » confie cet ancien membre du service de météorologie d’Environnement Canada, à la retraite depuis le milieu des années 1990.
Travaillant surtout l’argile et parfois le bronze, sa pratique est variée. Il a participé à des concours de sculpture sur neige au sein d’équipes internationales primées, conçu et construit des décors de théâtre, dont il dit « qu’il ne s’agit que d’immenses sculptures dans lesquelles on peut marcher », tout en se consacrant à divers projets, notamment un diplôme en beaux-arts de l’Université du Manitoba, où il a découvert les joies de la sculpture.
« En peignant ou en dessinant, on ne voit qu’une dimension. Une sculpture s’apprécie sous tous les angles. Vous modelez ses volumes afin qu’elle puisse être admirée à partir de plusieurs directions. »
S’inspirant d’histoires, il donne une forme physique à un mot ou à un récit qui le frappent. Par exemple, la mythologie nordique le fascine, surtout le corbeau dont il représente la capacité de métamorphose avec différents corps humains coiffés d’une tête d’oiseau, pour plaire à une plus large clientèle.
Voici son conseil aux apprentis sculpteurs : « Les occasions d’apprendre sont nombreuses, les ateliers ne manquent pas. La sculpture procure une sensation tactile réjouissante, vous créez avec vos mains, à partir de rien. C’est un plaisir. »
Poète et romancière, Ottawa, Ontario
Deborah-Anne Tunney
Ancienne agente de communications au Conseil national de recherches du Canada (CNRC)
Deborah-Anne Tunney dit que, sans l'écriture, elle vivrait à la dérive.
« Ce n’est jamais tout à fait à la hauteur de mes attentes », confie Deborah- Anne Tunney. Pourtant, même si elle ne semble jamais satisfaite d’avoir trouvé le mot juste ou la bonne tournure — les auteurs peuvent être obsessionnels —, cela ne freine nullement son ardeur. Depuis sa retraite du CNRC en 2006, elle a publié le recueil de nouvelles The View from the Lane, le roman Winter Willow, ainsi que A Different Wolf, un recueil de poésie primé. Maintenant, elle se consacre à de nouveaux projets, dont une série de poèmes sur le thème des arrière-cours et un nouveau recueil de nouvelles.
Membre de Retraités fédéraux depuis 2019, elle décrit l’écriture comme « (...) ce que j’ai toujours voulu faire, dont j’avais besoin… J’étais toute jeune, 11 ans environ, lorsque j’ai commencé à écrire de la poésie. Sans écriture, je vivrais à la dérive. » Elle essaie d’écrire tous les jours, notamment dans son journal intime, et fait partie d’un cercle de poésie qui l’inspire et lui permet de garder le cap.
Pendant sa carrière au CNRC, elle a écrit. Elle a aussi cumulé deux diplômes universitaires et une scolarité de doctorat en littérature anglaise. Elle se promettait de reprendre la plume à l’heure de la retraite. À l’évidence, elle sait tenir parole.
Son conseil aux auteurs en herbe? « Si vous êtes sérieux, vous devez étudier et lire sans relâche, tout en ayant une idée claire du genre d’écriture qui sera le vôtre. Vous devrez y engloutir de nombreuses heures, probablement plus qu’à votre travail. »
Tisserande, Lunenburg, Nouvelle-Écosse
Megan Williams
Ancienne responsable de programmes culturels, Patrimoine canadien
Pour confectionner un tapis, Megan Williams doit y consacrer quelques mois
« Imaginez-vous en train de marcher à la rencontre de votre jeune alter ego ». En entendant ces paroles qu’adressait une Autochtone à des aînées, Megan Williams a ressenti l’envie de renouer avec l’art du tissage.
Jeune femme, Mme Williams avait fait un stage de tisserande au Danemark, puis créé des tapisseries à l’île de Baffin. Son entrée dans la fonction publique coïncidera avec l’abandon de ces activités mais, à son départ à la retraite à la fin des années 1990, elle reprend le fil de sa passion. Désormais, lorsque son rôle d’administratrice du district de l’Atlantique de Retraités fédéraux le lui permet, elle redevient artisane professionnelle, confectionnant tapis et tapisseries sur son imposant métier à tisser.
À l’inverse des contraintes liées à un poste de gestionnaire, « La réalisation d’un tissage ne dépend que de vous. Vous décidez de tous les aspects de ce que vous créez », dit-elle.
Dans son atelier, elle oublie vite les soucis du quotidien, car le métier de tisserande est exigeant. « Pour réaliser une pièce bien faite, belle et durable, il faut y consacrer de longues heures. Cela ne se compare pas à passer un après-midi à peindre une toile en vitesse. Un seul tapis peut me prendre jusqu’à deux mois. »
Voici son conseil aux apprentis tisserands : « Évaluez votre degré de patience. S’il est considérable, vous y parviendrez… [Pour commencer], faites des recherches en ligne. Il existe des guildes de tisserands et des ateliers d’artisanat dans la plupart des communautés. »
Peintre, Victoria, Colombie-Britannique
Victor Lotto
Ancien ambassadeur du Canada au Vénézuéla et en République dominicaine
Victor Lotto, qui est ambassadeur à la retraite, consacre maintenant trois matins par semaine à la peinture.
Pour perfectionner ses talents d’artiste peintre alors qu’il était délégué à l’étranger, au service des entreprises commerciales canadiennes, Victor Lotto n’a eu besoin que d’une petite trousse pour l’aquarelle, summum de la créativité portative. C’était alors sa façon de se ressourcer. « Peindre est le plus bel échappatoire qui soit, c’est un exercice apaisant qui tranche avec les contraintes d’un métier exigeant, comme l’était le mien », confie-t-il.
Retraité depuis 1994, et membre de Retraités fédéraux depuis 1996, il s’installe à son chevalet trois matins par semaine, travaillant l’aquarelle à l’extérieur et l’acrylique dans son studio. Les oeuvres qu’il présente dans sa galerie virtuelle (victorlotto.ca), qu’il s’agisse d’une sympathique terrasse de café en France ou de paysages riverains de la côte ouest du Canada, témoignent de l’étendue de sa palette et donnent à penser qu’il a réalisé sa vision artistique : « Évoquer l’émotion qui m’habite lorsque je peins. »
Avec les années, son oeuvre a pris de l'essor, et il a exposé et vendu ses toiles localement et à l’étranger. Il participe à des ateliers, histoire d’être au fait des méthodes et des matériaux les plus récents, tout en enseignant aussi, pour le plaisir de voir d’autres artistes, « :surtout des aînés :», s’épanouir.
Quant aux peintres novices, voici ce qu'il leur conseille : « Avec un bon instructeur et entouré d’autres peintres, vous ressentirez une merveilleuse satisfaction. Vous connaîtrez alors l’étincelle créative qui vous fera oublier le poids de l’âge. »
Fileuse et tisserande, Saskatoon, Saskatchewan
Diney Bekkaoui
Ancienne adjointe de recherche, Agriculture et Agroalimentaire Canada
Diney Bekkaoui file sa propre laine.
Diney Bekkaoui a d’abord été une tricoteuse passionnée. Puis, il y a dix ans, elle a commencé à filer sa laine, espérant ainsi économiser. En vain. Elle a ensuite découvert qu’elle tricotait trop lentement pour parvenir à utiliser toute la laine qu’elle filait. Elle a donc décidé, il y a cinq ans, de se lancer dans l’art du tissage, sans délaisser le tricot. Son parcours artistique bouclait ainsi la boucle, en quelque sorte, car toute petite, elle adorait déjà fabriquer des cache-pots sur son petit rouet d’enfant.
Filer la laine naturelle est une expérience tactile, explique-t-elle, alors que le maniement du métier à tisser fait davantage appel au visuel. « Il est amusant de voir un joli motif apparaître. »
Retraitée depuis 2021, elle file et tisse de la laine régulièrement, mais pas tous les jours. Sa production de foulards, de châles, de linges à vaisselle et de serviettes de table est offerte en cadeau ou vendue au profit d’un programme de collecte de fonds en milieu scolaire.
Sa vision du tissage? « pense que je fais de l’artisanat en ce moment, mais j’aspire à ce que cela devienne une forme d’art. »
Voici sa recommandation aux débutants : « :Les ressources ne manquent pas. Trouvez une guilde; on peut vous y offrir un excellent mentorat. On m’y a accueillie à bras ouverts. »