Promenade dans le PaRx

11 mars 2022
PaRx, un projet de la Colombie-Britannique qui se répand au Canada.
PaRx, un projet de la Colombie-Britannique qui se répand au Canada, veut que les médecins et les praticiens de la santé donnent à leurs patients des ordonnances pour passer du temps dans la nature. Cet hiver, PaRx a annoncé une collaboration avec Parcs Canada.
 

Une promenade par jour éloigne-t-elle le médecin pour toujours?

Possiblement, dans le cadre d’un mode de vie sain. Un projet britanno-colombien en essor au Canada veut que les médecins et autres professionnels de la santé prescrivent à leurs patients de passer du temps dans la nature.

« Nous essayons de faire en sorte que la nature soit considérée comme le quatrième pilier de la santé, tout aussi important que l’alimentation, l’exercice et le sommeil », explique Melissa Lem, médecin de famille à Vancouver et directrice de PaRx, un projet qu’elle a cofondé avec la B.C. Parks Foundation. Présent en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario, PaRx rallie plus d’un millier de professionnels de la santé qui rédigent des ordonnances d’espaces verts. « Il s’agit d’un élément vraiment important de la médecine préventive. »

Il peut sembler évident que sortir et bouger davantage est bon pour la santé, mais la plupart des gens ne réalisent pas à quel point la nature peut être bénéfique.

« La nature est si puissante que le simple fait de la regarder peut améliorer notre santé », affirme Mme Lem. De plus, un nombre croissant d’études révèle que le fait d’être dans la nature peut contribuer à atténuer les maladies chroniques et à améliorer la santé respiratoire et cardiovasculaire, ainsi que le système immunitaire.

Selon Mme Lem, une méta-analyse de 2018 montre que le temps passé dans la nature a « un large éventail d’effets physiques positifs, allant de la réduction du risque de diabète à une meilleure pression artérielle, en passant par un meilleur taux de cholestérol, de meilleurs résultats en matière de cancer, ainsi qu’une meilleure santé prénatale et de meilleurs résultats à la naissance. »

Melissa Lem.

Médecin de famille à Vancouver, Melissa Lem est la directrice de PaRx, un programme qui préconise les ordonnances de bain de nature et qui s’est étendu de la Colombie-Britannique à la Saskatchewan, au Manitoba et à l’Ontario.
 

Une tendance plus vaste d’« ordonnances sociales » prend de l’ampleur au Canada, notamment dans des espaces culturels comme le Musée des beaux-arts de Montréal, qui rassemble des aînés, des adolescents et d’autres personnes.

Le but? Favoriser une bonne santé mentale et émotionnelle en examinant des œuvres d’art. En Ontario, le Toronto Star a récemment rapporté comment la « contemplation attentive » d’objets d’art peut « contribuer à réduire l’épuisement professionnel des travailleurs médicaux lié à la COVID. » Dans le monde entier, des études fondées sur des données soutiennent la croissance des « ordonnances sociales vertes ».

Le Guardian, un service de nouvelles du Royaume-Uni, a récemment publié des articles où des personnes citent le simple fait de passer du temps dans la nature comme un facteur important de leur rétablissement. « En vous enveloppant simplement de tranquillité, vous pouvez retrouver votre équilibre », confie Wendy Turner qui, pendant la pandémie, a perdu son emploi, sa maison et même sa volonté de vivre. Elle a fait une tentative de suicide en 2020. Son rétablissement a grandement bénéficié de quelques heures par semaine passées dans un marais salé voisin. « Cela semble mélodramatique, mais cet endroit m’a sauvé la vie. »

D’autres chercheurs du Royaume-Uni et d’ailleurs déterminent que le contact régulier avec la nature, même à la

ville, peut réduire considérablement le sentiment de solitude, ce qui améliore la santé générale. À l’aide de l’application Urban Mind, ils ont réuni des données dans le monde entier, y compris auprès du Canada, de l’Île-du-Prince-Édouard à l’île de Vancouver. L’ampleur est telle que le palmarès des « tendances en matière de santé et de forme physique à surveiller en  » du Globe and Mail comprenait « étudier le pouvoir de la nature. »

Peter Singh, étudiant en troisième année de médecine à l’Université de la Colombie-Britannique, a été tellement frappé par sa propre expérience du pouvoir de guérison de la nature qu’il s’est porté volontaire pour aider à établir PaRx. « Je peux parler des deux aspects », dit-il.

En 2014, il était « assez amer » de devoir retourner dans sa ville natale de Surrey, après avoir consacré beaucoup d’énergie à essayer de la quitter. Mais son père avait contracté la sclérose latérale amyotrophique et il lui fallait revenir à la maison pour participer aux soins. La course à pied a fourni un exutoire à son ressentiment, mais pas sur un tapis roulant ou dans les rues de la ville.

« Je me suis retrouvé à courir dans la forêt, et c’était vraiment plus stimulant, mentalement, que de courir dans des pâtés de maisons. J’y ai trouvé beaucoup de réconfort », se remémore M. Singh. Comme son père est mort de « cette maladie cruelle » et que sa mère a eu un cancer peu après, M. Singh est revenu dans la forêt pour composer avec la perte et la pression.

« Tout ce qui vous entoure s’épanouit et la vie continue, et il est difficile de se sentir [négatif]. C’est vraiment agréable d’avoir ce rappel. »

Peter Singh.

Peter Singh, étudiant en médecine, a commencé à promouvoir le pouvoir de guérison de la nature après l’avoir lui-même vécu en raison des problèmes de santé de ses parents.
 

Mais tout le monde n’est pas en mesure d’aller courir, voire marcher, dans la forêt. Les professionnels de la santé doivent tenir compte de la question incontournable de l’accès, alors que l’expérience et la recherche augmentent, explique Anna Cooper Reed. Travailleuse sociale établie à Winnipeg, elle fait un doctorat en recherche sur les services de santé à l’Université de Toronto, et est coordinatrice du lancement (avec Angie Woodbury) de PaRx au Manitoba.

« Il est plus difficile d’aller dans la nature quand on vit au centre-ville dans un immeuble à appartements », précise Mme Cooper Reed, qui travaille surtout avec des patients gériatriques, dont les problèmes de mobilité sont plus fréquents. « Lorsque nous parlons de prescrire la nature, nous devrions également tenir compte de l’équité et de l’accès véritable pour tous. » Cela peut même être un parc en centre-ville, si c’est ce que le patient et son professionnel de la santé estiment être la meilleure option.

« La conversation entre le prescripteur et le patient est un aspect important (...). Chacun a une façon différente de communier avec la nature et d’en ressentir les bienfaits. »

Les sceptiques pourraient demander pourquoi cette conversation nécessite une ordonnance écrite, mais l’idée est soutenue par la recherche. Et frappée au coin du bon sens, selon Mme Lem.

« La recherche nous dit que lorsque vous écrivez quelque chose, cela augmente la probabilité que le patient le fasse vraiment, tout en augmentant sa motivation », dit-elle, ajoutant que

« Lorsque je veux qu’un patient se souvienne de quelque chose, je l’écris. Ce rappel et ce caractère plus formel font que les patients prennent peut-être la chose plus au sérieux. »

Avant d’être prise au sérieux, l’ordonnance sociale d’un bain de verdure a eu bien du chemin à faire. Elle continue de progresser, en raison des études de plus en plus nombreuses. Ces résultats fondés sur des données donnent de la crédibilité à la pratique auprès des bailleurs de fonds potentiels, qu’il s’agisse de sources gouvernementales ou autres. PaRx, qui est financé par la B.C. Parks Foundation, a reçu une subvention de l’Association médicale canadienne. Son site Web affiche une liste impressionnante de « partenaires et d’endosseurs », dont des associations médicales provinciales, des facultés de médecine universitaires et des associations d’infirmières.

« Pour être financée, pour que les professionnels de la santé à vocation scientifique la soutiennent, [l’ordonnance de bain de nature] doit être étayée par des recherches. Le corpus de recherche sur les bienfaits de la nature pour la santé s’étoffe depuis 40 ans », explique Mme Lem.

Un contact régulier et fréquent avec la nature — PaRx recommande deux heures par semaine, par tranches de 20 à 30 minutes — pourrait améliorer la santé et réduire les dépenses dans d’autres domaines des soins de santé. Pour Mme Cooper Reed, l’ordonnance verte ne remplace pas d’autres domaines vitaux des soins de santé, mais constitue un complément.

« Il ne s’agit pas d’éliminer la pratique des autres ni ce qu’ils font. Je pense que nous introduisons un élément qui peut rendre la médecine plus holistique, et suppléer les médicaments, par exemple. »

Mme Lem précise que PaRx compte des équipes qui travaillent sur des expansions en Alberta et au Québec, d’autres qui « font des percées » dans le Canada atlantique et dans le Nord canadien. Elle espère que l’organisation aura un statut national d’ici la fin de 2022. « PaRx a toujours été conçu comme une initiative nationale, même si elle est gérée par la B.C.  Parks Foundation. »

Mme Cooper Reed rappelle que, si PaRx ne fonctionne pas encore dans votre région, tout patient peut discuter de l’idée de se faire prescrire un bain de nature avec son médecin ou un autre professionnel de la santé.

« Je dis souvent aux gens d’en parler avec leur fournisseur de soins de santé. Même s’il ne le mentionne pas, vous pouvez lui en parler » Cela peut être votre médecin, votre infirmière, votre pharmacien ou votre thérapeute, bref, tout professionnel agréé du domaine des soins de santé.

Dans l’intervalle, le site Web de PaRx (parkprescriptions.ca, en anglais) offre aux patients des ressources en ligne gratuites pour les aider à améliorer leur santé avec la nature et participer à guérir la nature elle-même.

« Des études montrent que lorsque les gens se rapprochent plus de la nature, ils sont plus susceptibles de la protéger, ce qui est logique », dit Mme Lem. « J’aime penser que, en prescrivant une dose de nature, je pose un petit geste pour la planète. »

 

Cet article a été publié dans le numéro du printemps 2022 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?