Destination vaccination

14 décembre 2021
Vaccin, passeport.
Avec l’assouplissement des mesures de confinement, les gouvernements déploient des passeports vaccinaux pour voyager.
 

Loretta Pollard se prépare pour son voyage en Arizona, en voie de devenir un voyage annuel. Elle aura son passeport, évidemment, et elle sera munie d’une attestation de résultat négatif au test de dépistage virologique de la COVID-19 qu’elle aura subi quelques jours avant son départ. Elle aura également son nouveau code QR de l’Alberta comme preuve de vaccination, ainsi qu’une copie papier. Et, lorsque le gouvernement fédéral aura créé un passeport vaccinal pour les voyages internationaux, elle l’obtiendra aussi.

Après tout, selon son récent commentaire sur la page Facebook de Retraités fédéraux, il faut systématiquement s’identifier pour obtenir des soins de santé, prendre l’avion, et même magasiner chez Costco. Pour elle, la démarche est tout à fait normale.

Retraitée des Forces armées canadiennes devenue membre de l’Association nationale des retraités fédéraux en 2011, Mme Pollard ne s’inquiète pas des complications et semble plutôt sereine à l’idée de voyager et de jouer au tennis léger dans la chaleur sèche de l’Arizona. Mais elle fait beaucoup de recherches, et a même appris un truc ou deux.

« Cela ne m’inquiète pas vraiment », indique cette résidente de Medicine Hat, qui reconnaît toutefois « qu’il faut faire ses devoirs. »

Mme Pollard considère les règlements en constante évolution comme faisant partie intégrante du fait de voyager dans un autre pays à l’époque de la COVID-19. Évidemment, la spontanéité a disparu, même à l’intérieur de nos frontières, puisque chaque province adopte ses propres restrictions ou exigences en matière de preuve vaccinale à présenter.

Chris Gall, médecin spécialiste de la santé en voyage vivant à London en Ontario, mentionne que les diverses exigences imposées aux voyageurs par différents pays indiquent qu’un travail considérable reste encore à accomplir pour garantir des déplacements transfrontaliers sans complications.

« Nous avons tous des carnets de vaccination; il existe déjà un certificat de vaccination ou un traitement préventif reconnu auquel nous avons toujours recours. Ce n’est pas nouveau », souligne le Dr Gall, citant les traitements préventifs contre la méningite, la fièvre jaune et, autrefois, contre la poliomyélite et le choléra.

« Il est tout à fait naturel d’en faire de même pour la COVID. Selon moi, le problème réside dans le besoin de collaborer à l’échelle internationale pour déterminer ce qui sera accepté d’un pays à l’autre. Ce n’est assurément pas encore le cas. Les États-Unis en sont un exemple, même d’un État à l’autre. »

Le Dr Gall exerce dans des cliniques de voyage privées, dont le but est de veiller à la santé des Canadiens, peu importe leur état de santé, lors d’un voyage à l’étranger. Les voyageurs à destination de lieux exotiques doivent souvent obtenir des médicaments ou des vaccins particuliers pour certains risques sanitaires, comme une haute altitude ou des infections, dont la malaria, la fièvre jaune, la fièvre typhoïde, l’hépatite, l’encéphalite et même la rage, en plus de la consommation des aliments et de l’eau de certains pays.

À l’heure actuelle, les exigences variables d’un pays à l’autre relèvent du fouillis. Lorsque le gouvernement fédéral mettra fin à sa recommandation d’éviter tout voyage non essentiel à l’extérieur du Canada, il faut espérer que cela s’harmonisera. Le Dr Gall souhaite que l’on établisse bientôt un consensus sur ces exigences à l’échelle internationale.

Par exemple, il existait une divergence entre les vaccins administrés aux Canadiens et les exigences de plusieurs destinations de voyage aux États-Unis (É.-U.). Cependant, en octobre, les É.-U. ont annoncé qu’ils accepteraient les vaccins contre la COVID-19 qui ont été homologués par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour les voyageurs internationaux.

Depuis le début de novembre, tout voyageur étranger adulte doit présenter une preuve de vaccination complète contre la COVID-19 avant de monter à bord d’un vol international à destination des É.-U. On doit également produire une preuve de résultat négatif au test de dépistage de la COVID-19 effectué au cours des trois jours précédant le départ. Le département de la Sécurité intérieure des É.-U. a ensuite annoncé que les voyageurs entièrement vaccinés traversant les frontières terrestres seraient également autorisés à voyager aux É.-U. à des fins non essentielles.

L'ambassade des É.-U. dit que tous les vaccins homologués par l'OMS seront acceptés. Les dernières actualités à ce sujet seront publiées sur son site Web, en plus des renseignements sur le site travel.state.gov.

Cuba désire relancer pleinement son secteur lucratif du tourisme, surtout auprès de sa plus importante clientèle, les Canadiens. Lessner Gomez Molina, un administrateur du conseil du tourisme cubain de Toronto, mentionne que le nombre de vols vers Cuba augmente de nouveau et que les protocoles en vigueur pour les vacanciers canadiens restent simples.

En octobre, Cuba n’exigeait aucune attestation de résultat négatif au test de dépistage de la COVID-19. Des tests rapides étaient plutôt effectués gratuitement lors de l’arrivée à l’hôtel. Un résultat positif donnait lieu à un deuxième test et, si ce deuxième résultat était également positif, le visiteur était affecté à un hôtel-clinique désigné. Pour le voyage de retour, M. Molina signale que les Canadiens peuvent obtenir le test de dépistage virologique obligatoire de la COVID-19 pour environ 37 $. Cuba prévoyait également d’avoir entièrement vacciné plus de 90 % de sa population au 15 novembre et autoriser la reprise des activités normales pour les touristes.

Alors que les provinces et les pays déploient leurs protocoles distincts sur la preuve vaccinale, Nazeem Muhajarine perçoit un besoin d’interopérabilité, permettant aux systèmes d’une province à l’autre de communiquer entre eux, puis les systèmes à l’échelle mondiale, comme pour la réglementation des passeports.

Pour ce professeur en santé communautaire et en épidémiologie à l’Université de la Saskatchewan, également responsable du pilier sur la politique sociale du Réseau de réponse rapide aux variants du coronavirus, l’élément essentiel pourrait être l’adoption universelle de la technologie du code QR. Il la considère comme étant pratique et fiable, avec le potentiel d’être autorisée partout au pays et ailleurs.

« Le défi consiste à obtenir la collaboration de tous les pays, surtout ceux [où] les Canadiens voyagent habituellement, avec le gouvernement canadien, pour accepter les vaccins qui sont administrés aux Canadiens, ainsi que les combinaisons mixtes. Cela nécessite des pourparlers et accords diplomatiques à l’échelle internationale et mondiale. »

M. Muhajarine estime nécessaire la tenue d’échanges de plus en plus fréquents qui aboutiront en un passeport vaccinal valide et autorisé partout dans le monde.

Raywat Deonandan, professeur agrégé à l’Université d’Ottawa, se rallie à cette approche.

« On peut faire bien des choses, comme par magie », évoque-t-il. « Essentiellement, il s’agit d’un traitement centralisé des données qui n’exige aucune impression [papier] des aspects plus complexes ni de transmission de vos renseignements personnels à un inconnu ».

M. Deonandan cite l’exemple de présenter une preuve d’identité dans un bar pour confirmer son âge. Un portier qui examine un permis de conduire voit le nom et l’âge de la personne, ainsi que son adresse. Un code QR ne montrerait que le nom et la confirmation des vaccinations contre la COVID-19. (Un document distinct, comme un permis de conduire, servirait alors de preuve d’identité.) Comme la technologie du code QR et les données sont traitées en un lieu centralisé, toute mise à jour est facilement ajoutée sans intervention de l’utilisateur, et le code reste le même.

Compte tenu de la tendance mondiale vers la numérisation des preuves d’identité, il estime que l’approche numérique deviendra nécessaire. Il donne l’exemple du Danemark, qui a jumelé le passeport vaccinal à un nouveau système d’identification numérique. Il imagine le permis de conduire, la carte santé et la carte d’assurance sociale d’une personne, combinés en une seule et même application que l’on peut présenter sur son téléphone.

Jaro Franta.
Lorsque Jaro Franta a reçu son code QR prouvant sa double vaccination, il l’a fait imprimer sur quelques tee-shirts. Dans cette photo, ce membre de Retraités fédéraux établi à Montréal en porte un.
 

« Évidemment, il y aura une certaine opposition, mais à mesure que cette technologie évoluera, elle deviendra de plus en plus répandue. Il faudra aussi éliminer les petits défauts », dit M. Deonandan. « Nous avons déjà dû montrer des preuves vaccinales pour voyager à l’étranger dans le passé. La seule différence, ici, est son utilisation à l’échelle nationale dans notre monde numérique. Nous ne produisons plus votre carte jaune [de vaccination] pour vous. »

Jaro Franta prévoit une adoption généralisée des codes QR. En fait, lorsque ce membre de Retraités fédéraux de Montréal a reçu son code QR du Québec, il l’a fait imprimer sur quelques tee-shirts, pour transmettre un message.

« Je voulais [rassurer] les gens », mentionne-t-il. « L’autre raison, aussi, c’est parce que j’ai pensé que, peut-être, lorsque je vais voyager de nouveau à l’étranger… Je vais certainement le porter dans tous les aéroports, au cas où je perdrais ce bout de papier ou si quelque chose arrivait à mon téléphone intelligent. »

Malgré l’opposition de certains à la vaccination, M. Muhajarine espère voir davantage de personnes comme M. Franta dans le monde, des retraités qui affirment haut et fort avoir été vaccinés. « Recevoir un vaccin ne devrait pas être un secret. Les aînés ont un statut au sein de la société et devraient mener la conversation », conclut-il.  

Vous trouverez les directives du gouvernement fédéral en matière de voyages à voyage.gc.ca.

 

Cet article a été publié dans le numéro de l'hiver 2021 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?