Joan et Don Vardy se sont connus tôt dans la vie, mais ont renoué après le décès du mari de Joan et la fin du mariage de Don. Depuis, ils sont inséparables. Photo : Anna Pelletier-Doble
À travers les époques, l’amour a fait couler beaucoup d’encre. C’est ce qui fait tourner le monde, après tout.
Qu’il s’agisse de retrouver son amour de jeunesse ou de raviver une vieille flamme cela peut se manifester de multiples façons, et à tout âge.
« Je le touche sans arrêt »
Don Vardy a regretté peu de choses dans sa vie, hormis le fait d’avoir quitté Sault Ste. Marie en 1974, et sa future épouse.
M. Vardy a rencontré Joan Shannon pour la première fois en 1961, à l’âge de 12 ans. Il s’était installé à Sault Ste. Marie pour y habiter avec sa sœur aînée durant ses études. Mariée et mère de famille, Mme Shannon avait 14 ans de plus que lui. Son mari était l’ami du beau-frère de M. Vardy. M. Vardy gardait parfois la fille aînée de Mme Shannon et celle-ci a noué sa cravate pour la remise de son diplôme de 8e année.
L’année suivante, il a regagné sa province d’origine, Terre-Neuve-et-Labrador, et n’a revu Mme Shannon qu’en 1973, à son retour à Sault Ste. Marie. Il était alors militaire et avait déjà été déployé à l’étranger. Elle était en instance de divorce et ils ont rapidement commencé à se fréquenter.
« Tout allait bien entre nous », se remémore M. Vardy, qui est vice-président de la Section d’Algoma de l’Association nationale des retraités fédéraux.
Un an plus tard, il a réintégré l’armée et a déménagé à Calgary. Mme Shannon était mère d’une adolescente et d’un bébé, et la perspective de fonder un foyer dépassait M. Vardy, alors âgé de 25 ans.
« J’avais peur. Cela représentait beaucoup de responsabilités et je n’étais pas prêt », explique-t-il. « Si je pouvais revenir en arrière, je ferais les choses différemment. J’aurais dit ‘‘Joan, tentons le coup. Viens à Calgary et épouse-moi.’’ »
Au lieu de cela, ils ont épousé d’autres personnes.
Au fil des ans, M. Vardy s’est souvent demandé comment allait Mme Shannon. Quant à elle, elle avait conservé son adresse et acheté des cartes qu’elle ne lui a jamais envoyées.
Lorsque son mariage a pris fin en 2006, il est retourné à Sault Ste. Marie. Il n’avait aucune intention de reprendre contact avec Mme Shannon, puisqu’il supposait qu’elle était mariée. Cependant, en raison de l’insistance de sa sœur, il l’a appelée en janvier 2007 et l’a invitée à prendre un café en souvenir du bon vieux temps.
Désormais veuve, Mme Shannon a rencontré M. Vardy le lendemain et ils sont inséparables depuis. L’homme de 78 ans est convaincu que c’est le destin qui les a réunis de nouveau.
Liés par l’amour de la musique et des voyages, ils ne perdent pas de temps à se quereller pour des bêtises. De plus, l’ayant déjà perdu une fois, Mme Shannon, âgée de 91 ans, n’est pas prête à le laisser partir de nouveau.
« Lorsque nous sommes ensemble, assis sur le chesterfield ou au lit, je le touche sans arrêt », mentionne-t-elle. « Il ne peut pas m’échapper. »
Le coup de foudre
L’armée a également joué un rôle dans les 55 ans qui ont séparé Janet Crawford et John Ball.
Ils se sont rencontrés à l’école secondaire Saint John, au Nouveau-Brunswick, et ce fut le coup de foudre. Ils se sont fréquentés durant trois ans, avant qu’il s’enrôle et déménage, puis la distance a fait son œuvre.
Ils ont tous deux fini par épouser d’autres personnes et ont vécu heureux. M. Ball a vécu dans l'Ouest canadien pendant 50 ans.
Après le décès deson épouse, il est retourné en visite au Nouveau-Brunswick. Il a appelé Mme Crawford et constaté qu’elle était veuve. Elle a proposé une rencontre au chalet de sa famille où ils avaient passé du temps durant leur adolescence.
Mme Crawford, dont l’époux, Hans, est décédé en 2010, admet s’être sentie nerveuse en attendant l’arrivée de
M. Ball, mais cette nervosité a disparu lorsqu’il est sorti de sa voiture. Leur marche dans la forêt a été un voyage dans le temps, au sens propre comme au sens figuré.
Au cours des jours suivants, plusieurs longues marches et discussions ont eu lieu.
« Nous nous sommes rapidement sentis très à l’aise », précise M. Ball, âgé de 78 ans.
Après le décès de son épouse, il ne voulait pas de nouvelle relation. Jusqu'à ce qu'il renoue avec Mme Crawford, aussi âgée de 78 ans. En fait, ils ont tant en commun qu'ils ont même adopté chacun deux chats pendant la pandémie. Et ces quatre chats s'entendent bien.
« Cela semblait aller de soi », souligne-t-il, évoquant leur passé commun.
Le couple s’est marié en juin 2023 et Mme Crawford mentionne que, puisqu’ils n’ont jamais cohabité durant leur adolescence, les choses sont différentes et « très agréables » cette fois-ci. M. Ball prépare la cafetière tous les soirs pour qu’un café fraîchement préparé les attende le matin. Ils en boivent une tasse et vont marcher.
« John est toujours de bonne humeur, nous ne nous disputons jamais », précise Mme Crawford, qui est membre de Retraités fédéraux en raison de la pension militaire qu’elle reçoit, car son premier époux faisait partie de la fanfare du Royal Canadian Regiment.
« Nous sommes vraiment heureux d’avoir repris contact. Et il est très heureux d’habiter de nouveau dans les Maritimes. »
Un remariage inattendu
L’amour a aussi pris une forme bien différente, la seconde fois, pour Kathy McArthur.
La première fois qu’elle a rencontré son mari, Pete, ils étaient tous les deux âgés de 18 ans, nouvellement arrivés à Victoria, loin de leurs familles et seuls. Mais ce fut l’amour au premier regard et ils sont immédiatement devenus amis de cœur.
Ils se sont mariés en mai 1953, puis il a été déployé pour la guerre de Corée en août la même année. Il a été à l’étranger jusqu’à Noël, puis de nouveau l’année suivante. Leur fils est né en novembre et Pete était de retour en mer trois semaines après sa naissance. Une fille est née deux ans plus tard. À ce moment-là, Kathy et Pete se querellaient et ils se sont séparés quand leur fille avait trois ans.
« Nous étions immatures. Nous ne savions rien de la vie. Être séparés durant de si longues périodes ne nous a pas rapprochés, bien au contraire, tant mentalement, émotionnellement que physiquement », confie Mme McArthur.
Pete s’est remarié plusieurs années plus tard. Mme McArthur ne l’a jamais fait. Elle a eu des relations dont elle conserve de précieux souvenirs, mais elle était indépendante et a poursuivi une carrière prospère dans le secteur immobilier. Elle n’a jamais envisagé de raviver la flamme avec son ex : « C’était fini pour moi », insiste-t-elle.
Cependant, en 1989, lorsqu’il a été gravement blessé dans un accident d’automobile ayant causé la mort de son épouse, Kathy s’est précipitée au chevet de Pete dans un hôpital de Calgary. Il était aux soins intensifs et avait perdu la volonté de vivre, mais un médecin a exhorté Mme McArthur à l’encourager à se battre. Alors elle lui a parlé de la nouvelle petite-fille qu’il n’avait pas encore rencontrée et de la truite arc-en-ciel qu’il n’avait pas pêchée.
« Que vas-tu faire? », lui a-t-elle demandé.
Il a levé son pouce en l’air.
« Nous en étions là, à 59 ans. J’ai plus ou moins tout mis de côté et je lui ai mentionné mon engagement sur-le-champ », souligne Mme McArthur.
« Je savais qu’il avait besoin que quelqu’un l’épaule et l’accompagne dans sa lutte pour tenir le coup. C’était un brave homme et il me faisait confiance. »
Peu après, Pete a déménagé à Kamloops, en Colombie-Britannique.
Il combattait également un cancer œsophagien et, lors d’un rendez-vous avec son médecin en décembre, ce dernier a déclaré en plaisantant qu’il était temps que Pete passe la bague au doigt de Kathy.
« J’étais vraiment heureuse de ne pas être mariée à ce moment-là », se remémore-t-elle. « J’ignorais alors qu’il ne survivrait pas, mais lui [le savait]. »
En janvier 1990, 37 ans après leur premier mariage, ils se sont mariés à leur domicile. À la demande insistante de Pete, Mme McArthur est devenue une membre active de sa section de Retraités fédéraux, se joignant ainsi à une communauté de personnes pour laquelle elle est reconnaissante.
À compter de mars, Pete a été alimenté par sonde gastrique. Puis, durant un séjour de 10 jours à l’hôpital, il a dépéri et perdu la capacité de parler.
À son décès en juin 1990, peu avant son 60e anniversaire, il avait rencontré sa petite-fille et pêché sa truite. Malgré sa courte durée, Mme McAthur estime que le temps qu’ils ont passé ensemble a été un baume sur leurs cœurs.
« Je n’ai jamais regretté ce remariage », souligne-t-elle.
« Les enfants ne parvenaient pas à le comprendre, mais ils sont maintenant reconnaissants de ce dénouement qui nous a permis de résoudre nos différends. C’était la bonne chose à faire. C’était une différente forme d’amour, ressenti dans le corps et l’âme. »
L’amour à un âge avancé : parfois, une amitié se transforme en amour
Il existe un dicton voulant que lorsqu’une porte se ferme, une autre s’ouvre. Al Kildaw et Barb Heidt se sont rencontrés dans un cadre de porte.
C'était lors du 80e anniversaire d’un ami commun en 2022. M. Kildaw avait prévu de passer lui remettre une carte et de rentrer à la maison. Cependant, alors qu’il entrait dans le centre pour aînés, Mme Heidt en sortait. Ils se connaissaient depuis environ 19 ans. Anciennement spécialiste des services météorologiques chez Environnement Canada, M. Kildaw était maire de Herbert, en Saskatchewan, lorsque Mme Heidt et son mari y ont déménagé. Il a même coupé le ruban à l’ouverture de leur boutique d’antiquités.
Ils avaient entretenu une relation cordiale au fil des ans, mais pas sur le plan social. Ce jour-là, ils se sont arrêtés et ont discuté. Sachant qu’ils étaient tous deux veufs, M. Kildaw a suggéré à Mme Heidt de l’appeler. Elle lui a répondu de l’appeler, elle.
« C’est ce que j’ai fait et nous sommes sortis souper », souligne-t-il. « Depuis, nous sommes pratiquement inséparables. »
Ni l’un ni l’autre ne cherchait l’amour lorsque celui-ci les a trouvés. Ayant perdu sa femme, Gail, au début de la pandémie, M. Kildaw, âgé de 81 ans, a vécu comme un ermite durant les deux années suivantes. Mme Heidt, âgée de 77 ans, était « pleinement satisfaite » de vivre seule depuis trois ans.
« Je n’étais à la recherche de personne », rapporte-t-elle. Pourtant, presque immédiatement, j’ai eu le sentiment qu’il s’agissait de quelqu’un avec qui je pourrais passer le reste de mes jours. C’était inattendu et cela nous a surpris tous les deux. Nous nous connaissions depuis si longtemps, mais nous n’avions jamais considéré l’autre de façon romantique. »
Les deux tourtereaux ont des champs d’intérêt semblables et aiment voyager. Mme Heidt savait qu’elle répondrait oui si jamais il la demandait en mariage. Mais M. Kildaw avait fait le serment de ne jamais se remarier! Il a rapidement changé d’avis.
« Nous étions tellement sur la même longueur d’onde et engagés envers l’autre que cela m’a semblé être la bonne chose à faire », mentionne-t-il.
Le couple s’est marié le jour du Souvenir l’année dernière. « Ainsi, nous n’oublions pas la date de notre anniversaire », plaisante M. Kildaw.